Karla Suárez

La Havane année zéro

Métailié - Bibliothèque hispano-américaine

Paris, 2012

bibliothèque insulaire

   
Cuba
parutions 2012
La Havane année zéro / Karla Suárez ; trad. de l'espagnol (Cuba) par François Gaudry. - Paris : Métailié, 2012. - 249 p. ; 22 cm. - (Bibliothèque hispano-américaine).
ISBN 978-2-86424-861-3
… quand la ville et tout ce qui nous entoure devient invivable, le mieux est de construire quelque chose, si petit que ce soit, mais quelque chose qui nous rende la saveur du mot avenir.

p. 223

   « Je crois que dans ce pays, tout le monde se souvient de 1993, parce que ce fut l'année la plus difficile de ce qu'on a appelé la " période spéciale ". (…) C'était comme si nous étions parvenus au point critique minimum d'une courbe mathématique. (…) Le zéro d'en bas, le trou, l'abîme » (p. 23). Comme tous les Cubains ou presque, Julia se nourrit de riz au pois cassés et de soja, subit les longues heures sans électricité et le téléphone qui sonne dans le vide, les épuisantes traversées de la ville en vélo. Peu d'échappées : le rhum, bon ou mauvais, comme l'amour … et le mensonge — dans sa version originale (encore inédite), le roman s'intitule Ellos mienten.

   Mentir : c'est ce que ne cessent de faire Euclides, Ángel, Leonardo, Barbara et Julia qui, pour tenter de tromper le sort, s'efforcent d'éclairer le destin d'Antonio Meucci, chercheur italien échoué à La Havane au milieu du XIXe siècle où il aurait découvert, avant Graham Bell, le principe du téléphone. Tous semblent partager un même objectif : apporter la preuve de la primauté de Meucci ; mais chacun espère en tirer profit pour son propre compte : notoriété, profit, amour ; chacun pense y trouver sa propre voie pour échapper au cauchemar de la vie à Cuba.
      
Karla Suárez est née à Cuba en 1969. Elle est ingénieure en informatique et vit actuellement à Lisbonne.
EXTRAIT C'était moi qui m'étais fourrée là où je n'aurais pas dû, et ça m'a mise dans une telle rogne que je lui ai balancé qu'il était un salaud, un menteur (…) le plus menteur de tous, qui par dessus le marché m'avait endormie avec ses bobards, parce qu'il n'était jamais sorti de Cuba, qu'il n'avait voyagé nulle part.

   Là il est devenu fou, il m'a regardé comme un fauve blessé et m'a dit : je n'ai jamais voyagé ? Je ne suis jamais parti ? Alors il a pris un livre sur l'étagère et l'a brandi : et ça, alors ? C'était Les Misérables. Il en a pris un autre : et ça ? C'était Marelle. Et il les a lancés sur le lit et a dit : Paris ! Il a sorti deux autres livres de l'étagère et les a lancés à leur tour : tu vas me dire que je ne suis jamais allé à Saint-Pétersbourg ? J'ai juste réussi à lire le nom de l'auteur : Dostoïevski. En plein délire, il a continué à jeter des livres sur le lit. Il était allé à Barcelone grâce à Eduardo Mendoza, à New York avec John Dos Passos et Paul Auster, à Buenos Aires avec Borges, il connaissait toute la Caraïbe grâce à Alejo Carpentier et Antonio Benítez Rojo. Je ne sais combien de livres il a jeté sur le lit, mais quand il s'en est lassé, il m'a regardé comme un fou en affirmant qu'il n'avait pas besoin de se déplacer physiquement pour voyager, le monde était dans sa tête et il était capable de le décrire. Si quelqu'un ment, c'est eux, Julia, c'est les livres qui mentent, pas moi, a-t-il conclu avant de me tourner le dos et de sortir en me laissant plantée comme une idiote qui ne savait plus quoi faire. J'ai pensé qu'on devrait offrir à Leonardo un poste aux services d'immigration, ainsi quand les gens demanderaient un visa de sortie, il leur offrirait un livre et leur dirait qu'ils arrêtent de lui casser les pieds avec leur envie de voyager.

pp. 225-226
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Havana ano zero » traduzido por Margarida Amado Acosta, Lisboa : Quetzal Editores (Américas), Lisboa, 2011
  • « Habana año cero », La Habana : Union, 2016
  • « Tropique des silences », Paris : Métailié (Bibliothèque hispano-américaine), 2002 ; Métailié (Suite hispano-américaine), 2005
  • « La voyageuse », Paris : Métailié (Bibliothèque hispano-américaine), 2005
  • « Cuba, les chemins du hasard » photographies de Francesco Gattoni, Manosque : Le Bec en l'air, 2007
  • « Le fils du héros », Paris : Métailié (Bibliothèque hispano-américaine), 2017
  • Basilio Catania, « Antonio Meucci : l'inventore e il suo tempo, v. 1 : Da Firenze a l'Avana », Roma : SEAT, 1994
  • Sandra Meucci, « Antonio and the electric scream : the man who invented the telephone », Boston : Branden books, 2010
le site internet de Karla Suárez

mise-à-jour : 19 septembre 2017

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