MOHAMED AÏT AARAB : En ouvrant le livre de Claire Guillon-Raynal, on ne peut échapper à cette dédicace qui trône au bas de la page 7 :

A la belle Polynésie
que l'on ne peut qu'aimer d'amour
à son peuple qui m'a appris à vivre,
à ses enfants merveilleux, mes élèves,
Avec reconnaissance.

Et l'on craint le pire. Encore de la guimauve, un des romans à l'eau-de-rose écrit par une Européenne en mal d'exotisme qui n'a jamais fait son deuil de Loti et croit encore au mythe de la Nouvelle-Cythère. Mais très vite, le lecteur se rend compte que le Tahiti de Claire Guillon-Raynal, s'il est aussi rêvé que celui des voyageurs du XVIII^e siècle en quête du paradis terrestre, a surtout le goût de l'enfance. Une enfance reconstituée par bribes, des « lambeaux d'antan » que l'auteur tente de retrouver pour sauver de l'oubli des années qui furent sans aucun doute celles du bonheur. Même si la douleur est sans cesse présente, en filigrane, chez des personnages comme Mareva ou le père de la narratrice. Ce sont d'ailleurs ces deux fortes personnalités qui font tout l'intérêt de La Maison de Taunoa.

[…]

Laissons-nous porter par la petite musique de Claire Guillon-Raynal et goûtons, avec elle, sa madeleine qui fleure bon la papaye et le tiare, le pain coco et les ice cream sandwichs, tandis qu'au loin murmure une vielle rengaine du Tahiti d'antan, celui d'avant les embouteillages, la pollution et la course effrénée à la consommation.

☐ Tahiti Pacifique Magazine, 110, Juin 2000

INCIPIT

Parfois se lèvent les oiseaux de la nuit, les blancs oiseaux de sombre nuit, et je sais alors que j'ai encore rêvé à Taunoa ; que la vieille maison, imperceptiblement, s'est relevée, intemporelle et fragile, enclosant en son nom seul le vertige des vies enfuies, et me faisant signe par-dessus le chant des feuillages, comme dressés sur l'oubli, ancienne et troublante voix de mémoire.