Elvire Maurouard : Haïti, le pays hanté

RAOUL-PHILIPPE DANAHO : […]

Dans cet essai […] Elvire Maurouard brosse, à travers une analyse serrée des écrits haïtiens, une perception hallucinée et fascinante de son île natale. Proposant […] une approche neuve et originale, jamais à ce jour explorée, de la littérature haïtienne, elle s'attache à mettre en évidence le tragique qui, selon elle, l'imprègne dans ses profondeurs. L'objectif de sa recherche, souligne-t-elle, « est de définir le sentiment du tragique haïtien ».

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Pour Elvire Maurouard, le « tragique haïtien » diffère en divers points du shéma traditionnel. D'abord, en ce sens que, débordant celui du théâtre, il « investit le roman, comme la poésie ». En second lieu, il trouve sa source non seulement dans l'histoire de l'île, mais aussi dans la vie traditionnelle du peuple, plus particulièrement du monde paysan. Enfin, note en troisième lieu la jeune et charmante femme de lettres, il ne se cantonne pas à la « catastrophe voyante », mais cette tragédie intègre également l'incident « le plus simple, le plus ordinaire. Elle ne fait qu'un avec la fragilité quotidienne, avec le fait que le plus bel équilibre peut être soudainement remis en question, quoi que l'on fasse, quels que soient ses mérites ».

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Dans [cet] essai qui porte pratiquement sur tous les grands auteurs de l'île (Jacques Roumain, Emile Ollivier, Frankétienne, Jean Métellus, Edris Saint-Amand, Jacques Stéphen Alexis …), voire des auteurs martiniquais (Aimé Césaire, Edouard Glissant) dont l'interprétation qu'ils donnent du tragique haïtien retient toute notre attention, Elvire Maurouard s'attache […] à montrer que le tragique constitue le trait que se partagent les œuvres littéraires du XX^e siècle haïtien, ainsi que le souligne le sociologue haïtien Laënnec Hurbon […] : leurs « héros héritent (en commun) d'un passé qu'ils n'ont pas choisi et ils évoluent comme si leur destin était à jamais fixé ; ils sont victimes d'une violence qui s'abat sur eux et qui semble atteindre jusqu'à la terre elle-même ».

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En fait, au-delà de l'analyse des œuvres, la jeune essayiste n'hésite pas comme l'observe Laënnec Hurbon, à revenir « en vue de renforcer sa thèse, non plus sur les textes eux-mêmes, mais sur l'histoire d'Haïti et sur la culture haïtienne depuis le génocide indien, la traite, l'esclavage et l'occupation américaine de 1915 à 1934. A chacune de ces étapes, elle voit à l'œuvre la propension au chaos, à la soif effrénée de pouvoir et à l'avilissement que représente la misère des masses ».

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☐ Préface, pp. 9-12