David Van Reybrouck

Revolusi : L'Indonésie et la naissance du monde moderne

Actes sud

Arles2022
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parutions 2022

Revolusi : L'Indonésie et la naissance du monde moderne / David Van Reybrouck ; trad. du néerlandais (Belgique) par Philippe Noble et Isabelle Rosselin. - Arles : Actes sud, 2022. - 628 p. : ill. ; 24 cm.
ISBN 978-2-330-16904-6
NOTE DE L'ÉDITEUR : Quelque dix ans après Congo, David Van Reybrouck publie sa deuxième grande étude historique, consacrée cette fois à la décolonisation de l'Indonésie — premier pays colonisé à avoir proclamé son indépendance, le 17 août 1945. Il s'agit pour lui de comprendre l'histoire de l'émancipation des peuples non européens tout au long du siècle écoulé, et son incidence sur le monde contemporain.

Fidèle à la méthode suivie dès son premier ouvrage, l'auteur se met lui-même en scène au cours de son enquête, alternant sans cesse, et avec bonheur, exposé de type scientifique et “ reportage ” à la première personne — ce qui rend la lecture de l'ouvrage à la fois aisée et passionnante.
FLORENCE NOIVILLE : […]

Six cents pages, sept ans de travail dont deux sur le terrain, près de deux cents interviews : Revolusi (“ Révolution ” en indonésien) est un mélange d'essais, de témoignages, de reportages, qui balaie la période allant de 1600 environ à 1967, date du départ du président Sukarno. Un livre aussi tentaculaire qu'envoûtant où l'auteur, ce n'est pas la moindre de ses réussites, parvient à montrer comment le destin mouvementé et apparemment bien lointain de ces 13 466 îles a joué un rôle-clé dans l'avènement du monde moderne.

Le chapitre sur la conférence de Bandung, en avril 1955, en est une illustration. […] “ Un événement universel, comparable à la Révolution française ”, s'enthousiasme un observateur. Van Reybrouck analyse comment Bandung “ exporta les idéaux de la révolution indonésienne dans le reste du monde ”, inspirant non seulement la décolonisation, mais aussi la lutte anti-impérialiste en Amérique latine, le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, accélérant même, en réaction, la formation de la future Communauté européenne — les grandes capitales ressentant d'autant plus le besoin de se rapprocher et de créer de nouvelles solidarités que leurs empires se délitaient.

Mais l'originalité fondamentale de ce livre tient aux nombreux témoignages, uniques et bouleversants, que l'auteur à la recherche de tous les nonagénaires encore en vie, a recueilli un peu partout, aux Pays-Bas, au Japon (qui occupa l'archipel de 1941 à 1945) ou encore au Népal (on le sait peu, mais ce sont des Népalais au service du roi d'Angleterre qui libérèrent la région en 1945).

[…]

Ces voix de Java, des Moluques, de Sumatra …, toutes ces paroles qui n'avaient guère dépassé les frontières d'un village ou d'un cercle familial, on ne les avait jamais entendues en Occident. Et on ne les entendra plus. La plupart des témoins sont morts depuis. In extremis David Van Reybrouck les grave sur ce monument unique en son genre, bâti tout à la fois comme une œuvre de mémoire, de littérature et de justice.

→ “ La geste indonésienne de David Van Reybrouck ”, Le Monde des livres, 14 octobre 2022 [en ligne]
DAVID VAN REYBROUCK : […]

La “ dépression climatique ” n’est pas une vaine expression. Je l’ai vécue au moment où j’écrivais sur l’Indonésie. Je me suis dit alors que mon livre aurait un sens s’il nourrissait la bonne entente entre les êtres humains, car nous allions en avoir besoin. Il s’achève d’ailleurs sur un cri du cœur pour le climat. L’Indonésie, avec ses forêts tropicales, est menacée au premier plan.

Quel est le message ?

S’il est nécessaire de regarder les méfaits du passé dans le rétroviseur, ne perdons pas de vue que nous devons nous unir maintenant pour affronter les défis colossaux du futur, au lieu de nous diviser ! Car nous sommes en train de coloniser les décennies, voire les siècles à venir avec la brutalité et l’égoïsme que nous avons réservés aux continents inconnus au XIXe siècle.

[…]

→ “ Les plaies de la colonisation sont toujours ouvertes ” entretien recueilli par Marianne Meunier, La Croix, 4 mai 2022 [en ligne]
DAVID VAN REYBROUCK :

L’Indonésie a été le premier pays colonisé à déclarer son indépendance et la proclamasi du [leader indépendantiste Sukarno, le 17 août 1945] constitue une sorte de modèle, une formule qui, par la suite, a été copiée au cours d’autres expériences de décolonisation. Ce “ modèle ” indonésien va d’ailleurs permettre à Sukarno d’organiser, en 1955, la conférence de Bandung [réunissant, dans la ville du même nom, vingt-neuf pays asiatiques et africains nouvellement indépendants ; un événement qui marqua l’entrée du “ tiers-monde ” sur la scène internationale]. Cette conférence va avoir un impact très important en Afrique et en Asie.
Après la seconde guerre mondiale, les puissances coloniales avaient le choix entre plusieurs manières de décoloniser : elles pouvaient le faire de façon graduelle, en assurant une transition partielle du pouvoir, ou alors en accordant l’indépendance sur une partie seulement d’un territoire. Tous ces scénarios ont été rejetés par les Indonésiens. Pour eux, il fallait que le processus soit rapide, que tout le pouvoir leur soit donné et que le pays tout entier devienne indépendant. Ce qui les distingue aussi, c’est que la liberté du pays a été acquise au plan politique, mais pas au plan économique : en 1949, lors de la conférence de la Table ronde de La Haye, les Néerlandais ont octroyé l’indépendance à l’Indonésie, tout en gardant une mainmise sur son économie.
[…]

L’Indonésie, davantage peut-être que d’autres pays décolonisés, est le fruit d’une réalité pour le moins paradoxale : elle est le produit du colonialisme qui a unifié un pays épars, qui n’existait pas en tant que nation. Que vous inspire ce paradoxe ?

Oui, c’est vrai, la carte de l’Indonésie d’aujourd’hui est tout entière identique à la carte des “ Indes néerlandaises ”. Le pouvoir indonésien a, depuis l’indépendance, travaillé l’esprit national des habitants du plus grand archipel du monde — cet ensemble hétéroclite formé d’une multitude de cultures, de langues et de religions. Un sentiment “ pro-indonésien ” a pu émerger grâce à l’utilisation de tous les mythes fondateurs qui ont, à leur tour, créé un sentiment de fierté et de cohésion nationale. Et ça fonctionne toujours !

→ “ L'indépendance indonésienne a servi de modèle de décolonisation ” entretien recueilli par Bruno Philip, Le Monde, 13-14 novembre 2022 [en ligne]
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Revolusi : Indonesië en het ontstaan van de moderne wereld », Amsterdam : De Bezige bij, 2020

mise-à-jour : 15 novembre 2022
David Van Reybrouck, Revolusi : L'Indonésie et la naissance du monde moderne
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