Alexandre Papadiamantis

Autour de la lagune

Zoé - Classiques du monde

Carouge-Genève, 2005
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Méditerranée
parutions 2005
Autour de la lagune / Alexandre Papadiamantis ; traduit du grec par René Bouchet. - Carouge-Genève : Zoé, 2005. - 264 p. ; 21 cm. - (Classiques du monde).
ISBN 2-88182-537-0
NOTE DE L'ÉDITEUR : Choisissant son île natale comme cadre de la plupart de ses récits, Alexandre Papadiamantis a fait de Skiathos 1 un des lieux les plus poétiques et romanesques de Grèce. Les enfants meurent, les filles sont frappées de malédiction, les hommes boivent ou partent en Amérique sans que personne ne songe à se révolter. Car sur cette île règne une force occulte ; certains l'appellent Dieu, d'autres Destinée, d'autres encore Superstition 2. Autant dire que Skiathos est un résumé du monde et des passions humaines, un mystère où l'espace clos devient universel. Avec Autour de la lagune, un ensemble de récits particulièrement représentatifs de la langue et de l'univers imaginaire de l'auteur, le lecteur découvrira un des joyaux de la littérature européenne du XIXe siècle.
       
1.René Bouchet, le traducteur, note que cette île n'est jamais nommément désignée dans les nouvelles du recueil, tandis que les autres îles sont évoquées par des périphrases : l'île d'en face, l'île qui lui fait face, l'île voisine ou, plus rarement, par leur nom : Eubée, Psara, Céphalonie, ... Quant au continent, c'est un monde lointain, aux côtes abruptes et titanesques, ... où il n'y a ni amour ni pitié, ... où il n'y a que fureur et horreur.
2.Sans privilégier l'une ou l'autre de ces forces occultes, Alexandre Papadiamantis semble y voir le masque ou la cause d'un ordre social rigoureux dont les effets destructeurs sont exacerbés par l'insularité — où, circonscrit par la mer, un cadre de vie enchanteur avive les tensions au sein d'une communauté pour qui le changement, toujours perçu comme importé du continent, est vécu douloureusement. Relevant une évolution du vocabulaire courant — “ papa ”, terme barbare, étranger prenant le pas sur “ père ”, pourtant plus universel, plus usité, et incomparablement plus expressif —, le narrateur parle de ces stigmates que l'on a récemment introduits dans nos usages.
EXTRAITS

Quand tu es venu, sept ans plus tard, revoir ce site enchanteur si cher à tes souvenirs, ce n'était plus le mois de février, les violettes au parfum capiteux n'embaumaient plus l'atmosphère, et Polymnia n'était plus là, cette autre violette qui avait enivré ton imagination d'enfant d'un simple froissement de sa robe de soie blanche. Disparu aussi le potager de ce brave Parissis, ce cadre de verdure qui entourait le miroir paisible de la lagune où se reflétait le bleu du ciel. Disparu, à l'entrée du plan d'eau, là où venait mourir la vague, le cabanon de Loucas Thanassoulas, qu'aucun pêcheur n'osait approcher à portée de fusil. Loucas pouvait dormir sur ses deux oreilles : sa carabine veillait pour lui, et on entendait parfois au plus profond de la nuit une détonation qui n'annonçait rien de bon à l'audacieux intrus. À en croire ce qu'il se disait, cette carabine était le véritable réveil-matin du concessionnaire de la lagune : elle l'avertissait par un signe mystérieux, un coup à l'épaule droite, chaque fois qu'une barque venue du port profitait de l'obscurité pour s'introduire furtivement dans ses eaux. Les clauses du bail étaient on ne peut plus claires : les crabes et les mulets qui s'en approchaient appartenaient à la lagune, tandis que tout ce qui osait en sortir … n'appartenait pas au port pour autant. On appliquait là dans toute son étendue le principe : « Ce qui est à moi est à moi, et ce qui est à toi est encore à moi ».

Autour de la lagune, pp. 43-44

À n'en pas douter, les pères aiment leurs fils parce qu'ils les considèrent comme bons pour trimer et contribuer à caser leurs sœurs. Ils s'arrogent et revendiquent un pouvoir despotique sur eux. Les mères, de leur côté, aiment leurs fils parce qu'elles voient en eux des sauveurs de la dot (dans laquelle elles trouvent leur intérêt) et des bâtons de vieillesse. Elles chérissent tout autant leurs filles, bien qu'elles voient en elles un lourd fardeau, et lorsqu'elles s'en débarassent en le chargeant sur les épaules de leur gendre, elles ressentent un secret soulagement d'avoir pu se défaire de ce qu'elles désignent par le terme péjoratif, abject de « sac ». Où voit-on ce désinteressement dont on parle tant ? S'il existe quelque part, ce n'est certainement pas dans l'affection des parents qu'on le trouve.

Mort d'une fille, pp. 242-243

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Un rêve sur les flots [suivi de] L'amour dans les neiges, Contes néo-grecs » trad. et présentation par Jean d'Argos, Athènes, 1908
  • « Skiathos, île grecque » nouvelles trad. et préfacées par Octave Merlier, Paris : Les Belles lettres, 1934
  • « Autour de la lagune » et autres nouvelles trad. et présentées par Octave Merlier, Athènes : Centre d'études d'Asie mineure (Traductions publiées sous les auspices du Conseil de l'Europe, 16), 1965
  • « Les petites filles et la mort » trad. par Michel Saunier, Paris : François Maspero, 1976 ; Paris : La Découverte, 1993 ; Arles: Actes sud, 1995
  • « La désensorceleuse ; Les sorcières » trad. par Roselyne Majesté-Larrouy, Saint Nazaire : Arcane 17, 1983
  • « L'amour dans la neige » trad. par René Bouchet, Paris : Hatier, 1993
  • « La fille de Bohême » trad. par Karin Coressis, Athènes : Institut français d'Athènes ; Arles : Actes sud, 1996
  • « Gardien au lazaret » et autres nouvelles trad. par René Bouchet, Dijon : Ed. universitaire de Dijon, 2013
  • « L'île d'Ouranitsa » et autres nouvelles trad. par René Bouchet, Paris : Cambourakis (Logotechnía), 2013
  • « Rêverie du quinze août » et autres nouvelles trad. par René Bouchet, Paris : Cambourakis (Logotechnía), 2014
  • « Une femme à la mer » et autres nouvelles trad. par René Bouchet, Athènes : Aiōra Press, 2015
  • René Bouchet, « Le guetteur invisible : l'imaginaire du regard dans l'œuvre d'Alexandre Papadiamantis », Dijon : Editions universitaires de Dijon (Ecritures), 2016
  • René Bouchet, « Le nostalgique : l'imaginaire de l'espace dans l'œuvre d'Alexandre Papadiamantis », Paris : Presses de l'Université Paris-Sorbonne (Anaskelas), 2001

mise-à-jour : 29 mai 2019

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