2ème édition du Prix du Livre Insulaire
(Ouessant 2000)
ouvrage sélectionné |
L'infinitif des pensées
[comprenant] Les carnets d'Ouessant / Emmanuel Fournier. - Perreux :
Éd. de l'Éclat, 2000. - 250 p. ; 22 cm.
- (Philosophie imaginaire).
ISBN 2-84162-042-5
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Rédigé en partie
à Ouessant, ce livre est une réflexion sur la langue
et la pensée, mais son écriture est tout autre
qu'universitaire (l'air d'Ouessant sans doute).
Penser en acte : et l'homme préfère considérer
la formule comme simple juxtaposition de mots, quand il fait
le constat d'une « pensée séparée
de la vie ».
Cela viendrait-il qu'il ne pense
qu'avec des mots qui le tirent le plus souvent vers ce qu'ils
veulent communément dire, et non plus vers ce qu'il voudrait,
lui, penser ? Comment chercher, dans ces conditions,
une façon acceptable d'être et de penser ?
Tout au long de ses carnets
d'Ouessant, d'essais parallèles de transcriptions
à l'infinitif de Descartes, Nietzsche, Wittgenstein, Kant,
Aristote ou Heidegger, de postfaces à Croire devoir
penser, et d'annotations au « chantier de la philosophie »,
Emmanuel Fournier détaille avec une grande honnêteté
et un sens minutieux de l'humour ce qu'il entend par « penser
à l'infinitif ».
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EXTRAIT |
J'ai appris l'infinitif aux moutons
et aux goélands. Qu'ils puissent méditer ensemble.
Ils ont bien voulu. Ils en étaient libres. Mais ils m'ont
dit ceci : « Il y a des choses qu'on aimerait plus
encore si on en connaissait le nom. Ou le verbe, car c'est parfois
un verbe qui est le nom. Sans nom, aimer reste inachevé,
comme en suspens, et sans appui. Il faut connaître le nom
pour aimer complètement. Si on savait le nom, on pourrait
rêver, se redire et revoir tout ce qu'on aime, voir des
choses qu'on n'avait pas vues et les aimer, des choses que le
nom lui-même n'annonçait peut-être pas. »
Paroles de moutons et de goélands.
Il aurait fallu répondre : « Sois assez heureux
d'avoir la possibilité de continuer à penser, quand
tant de choses, tant de mots et tant d'idées, pourraient
t'en dissuader. » Nous nous imaginons toujours avoir
besoin de ce que nous n'avons pas. Cela, au moins, on ne nous
l'enlèvera pas. Il nous faut des personnes ou des noms.
Ici, des rôles, là, un masque. Toujours il manque
ce qui tout d'un coup devient essentiel. Vous vous disiez rêver,
c'est requérir qui se fait, ou alors, redire. Vous vous
figuriez voir et connaître, vous voilà à
chercher. Vous vouliez annoncer, vous êtes à espérer.
Vous croyiez parachever, vous n'avez pas commencé. Vous
croyiez aimer, vous implorez.
Tel est penser.
☐ Ouessant, juin 1999, pp. 249-250
D'autres extraits
sur le site des éditions L'Éclat.
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- Françoise
Péron et Emmanuel Fournier, « Se confier à
l'île : pensées croisées sur
Ouessant », Lopérec : Locus solus, 2015
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mise à jour : 8 avril 2015 |

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