NOTE DE L'ÉDITEUR : « J'ai voulu écrire tout ce qui me touche et ce qui m'interpelle », confie Petru Leca. Ce journaliste de la télévision régionale (FR 3 Corse) propose avec Primure un recueil de 121 textes. Certains sont écrits en corse, d'autres en français, un autre encore en italien.

L'auteur parle de tout ce qui fait la vie, les bonnes comme les mauvaises choses, à savoir les drames et les injustices de ce monde, l'évocation de l'amour. Il raconte aussi avec sa plume unanimement reconnue les choses simples, les plaisirs furtifs qu'offre notre existence pour peu qu'on sache l'observer.

Sa poésie dépasse le particularisme de notre île pour atteindre l'universel, elle part du quotidien pour toucher les valeurs fondamentales de l'homme.

EXTRAIT

Tonalité. La cabine téléphonique De laquelle parfois on s'adresse aux siens Combien si souvent source de panique Pour celui qui appelle et ne comprend pas bien. Ali, dans son exil de dix-huit ans déjà, Femme, enfants, famille, appelle si souvent Qu'à part le mois par an qu'il va passer là-bas Il ne vit avec eux qu'en leur téléphonant. Ainsi la jalousie, la fièvre d'un enfant, Les tracas quotidiens, un mandat attendu, Les notes à l'école, des parents vieillissants, Des rires quelque fois, des pleurs non retenus Font que le combiné une fois raccroché Dans l'univers vitré, au milieu de la rue, Pour Ali le moment manque un peu de gaieté ; Il le serait à moins, il ne les entend plus. Prenant encore sa carte exsangue d'unités Il pousse alors la porte, une main à son front ; La tête encore là-bas, son pas ici pressé, Il rejoint son chez lui sans que ça tourne rond. Et si vous le croisez … comment ça va Ali ? Dès la question posée, le voilà tout souriant En apparence du moins et tout de suite il dit : Ça va, Monsieur, ça va, comme il va chancelant. ☐ Monsieur Ali, pp. 74-75