Sir Francis Bacon

La Nouvelle Atlantide

Payot

Paris, 1983
bibliothèque insulaire
   
utopies insulaires
La Nouvelle Atlantide / sir Francis Bacon ; nouvelle traduction suivie de Voyage dans la pensée baroque, par Michèle Le Dœuff et Margaret Llasera. - Paris : Payot, 1983. - 222 p. ; 23 cm. - (Bibliothèque scientifique).
ISBN 2-228-13080-X
NOTE DE L'ÉDITEUR : La Nouvelle Atlantide : le rêve d'une société par et pour la science 1 ; le premier tracé — utopique — de ce qui se nommera plus tard l'Etat-Providence ; une île des Mers du Sud où se combinent des souvenirs de l'Ancien Testament et la projection d'une épistémologie neuve que Bacon cherchait à promouvoir ; une doctrine ambiguë quant à l'intégration des Juifs, à une époque où la Couronne anglaise débat justement de la question ; une description de parcs zoologique qui semble inaugurer la science-fiction ; et de bien curieuses maternités masculines …

Pour évaluer les diverses données politico-imaginaires ou éthico-scientifiques de cette Atlantide inachevée, les traductrices, Michèle Le Dœuff et Margaret Llasera, ont entrepris une enquête qui passe par des récits de voyageurs anglais de l'époque, par les poètes, par ces artisans et ces chercheurs de la Renaissance qui s'appellent Bernard Palissy ou Vésale. Et par une relecture de l'œuvre théorique de Bacon. Leur Voyage dans la pensée baroque révèle l'existence, dans le dix-septième siècle, d'une philosophie mal connue, que le cartésianisme a sans doute occultée. Une philosophie qui récuse l'idée d'un Sujet de la connaissance, au profit de dispositifs codifiés et collectifs de recherche ; qui rejette aussi l'idée de volonté libre et lui substitue, dans le domaine de la morale, des “ géorgiques de l'âme ” qui seraient l'(agri)culture d'une subjectivité sans sujet.
   
1. “ Quelque chose comme le Musée d'Alexandrie ou un CNRS idéal ” hasarde Pierre Vidal-Naquet dans “ L'Atlantide : petite histoire d'un mythe platonicien ”, Paris : Seuil (Point-essais, 566), 2007 (p. 73).
BENSALEM ET LA GÉOGRAPHIE AU DÉBUT DU XVIIe SIÈCLE

Il faut chercher Bensalem en plein Pacifique, entre le Pérou et le continent asiatique, de part ou d'autre d'une route maritime peu différente, semble-t-il, de celle que suivaient les fameux galions de Manille … Mais Bacon s'emploie vite à brouiller les cartes ; l'expédition subit des vents contraires, puis des vents violents, qui la jettent au nord, dans une zone encore inexplorée où elle trouve fortuitement, et in extremis, le salut sur une île “ cachée dans une enclave secrète au cœur d'un si vaste océan ”.

BENSALEM ET LE MONDE EXTÉRIEUR

L'histoire de Bensalem connait deux grandes périodes quant à l'organisation de ses relations avec le reste du monde. Depuis le règne du sage roi Solamona, mille neuf cents ans environ avant la narration transcrite par Bacon, l'île vit en intégrale autarcie.

La règle ne souffre qu'une exception ; tous les douze ans, deux vaisseaux embarquent quelques dignitaires chargés d'enquêter sur “ les affaires et l'état des pays où on les envoyait, et notamment [sur] tout ce qui pouvait concerner les sciences, les arts, les techniques et les inventions du monde entier ”.

Les naufragés et les navigateurs égarés son accueillis fraternellement par les habitants de Bensalem ; ils peuvent alors rester définitivement sur l'île, ou reprendre la mer dès qu'ils le souhaitent : “ ce que ces quelques personnes ont éventuellement raconté à l'étranger, je l'ignore. Peu importe d'ailleurs : vous imaginez bien que cela a forcément été pris, là où elles abordèrent, pour un rêve ”.

La Nouvelle Atlantide est une utopie pacifique, où l'éventualité même d'un conflit n'est pas envisagée ; à peine note-t-on que la couronne de Bensalem impose ses lois aux ressortissants de quelques petites îles proches avec lesquelles elle commerce.
BENSALEM ET LE PROJET D'UNE “ SECONDE NATURE ”

Cicéron annonce-t-il Bacon ?
On lit, entre autres, au Livre II (LX) du traité De Natura Deorum (45 av. J.-C.) :
“ Nous tirons de la mer une infinité de choses utiles. Pour celles que la terre produit, nous en sommes absolument les maîtres. Nous jouissons des plaines, des montagnes : les rivières, les lacs sont à nous : c'est nous qui semons les blés, qui plantons les arbres : nous fertilisons les terres en les arrosant par des canaux : nous arrêtons les fleuves, nous les redressons, nous les détournons. ”
Chez Bacon, un semblable constat est tourné vers l'expérimentation et les applications à venir :
“ Nous avons … des vergers et des jardins étendus et divers dans lesquels nous recherchons moins la beauté que la variété des terre et des sols tels que convenant à des plantes et des arbres différents … ”
Au terme de son développement, Cicéron affirmait : “ nous nous efforçons enfin avec nos mains à créer dans la nature une seconde nature ”, un projet auquel Bacon aurait pu souscrire … comme, longtemps après lui, philosophes, réformateurs sociaux ou auteurs dits de science-fiction.
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « New Atlantis, a work unfinished » appended to Sylva sylvarum, or a Natural Historie ed. by Willliam Rawley, Londres : J. H. [John Haviland], for William Lee, 1627
  • « La Nouvelle Atlantide » traduite en François et continuée (…) par M. R., Paris : chez Jean Musier, 1702
  • « La Nouvelle Atlantide » trad. de l'anglais par Gonzague de Marliave, in Gonzague de Marliave, Les secrets de Francis Bacon, Croissy-Beaubourg : Dervy-livres, 1991
  • « La Nouvelle Atlantide » trad. de l'anglais par Michèle Le Dœuff et Margaret Llasera, introduction et notes par Michèle Le Dœuff, Paris : Flammarion (GF, 770), 1995, 2000
  • « Œuvres complètes » trad. et notes de J.A.C. Cuchon, Paris : Archives Karéline, 2008 (fac-sim de l'éd. de Paris : A. Desrez, 1836)
  • Alexis Tadié, « Francis Bacon : le continent du savoir », Paris : Classique Garnier, 2014

mise-à-jour : 25 avril 2019

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