La découverte de la Polynésie
à la fin du XVIIIe siècle a marqué l'achèvement
des grandes découvertes maritimes, en même temps
qu'elle a ouvert, pour la culture occidentale, le mythe de l'origine
vers lequel s'est dirigé le tropisme amoureux de nombreux
peintres et écrivains, avec Bougainville et Melville,
Pierre Loti, Stevenson et Gauguin, la Polynésie incarne
tout le long du XIXe siècle, l'appel singulier d'une présence
heureuse au monde, nourrit le songe d'une société
fondée sur le modèle esthétique, d'un pouvoir
politique façonné par la beauté.
Dans le désenchantement du monde
que l'homme de ce siècle éprouve dans toute sa
densité, la Polynésie n'a cessé d'évoquer
cet appel du lointain traduit par les peintres expressionnistes
Pechstein et Nolde, par Matisse et Gouwe, interrogé par
des écrivains comme Victor Segalen et Reverzy. Adriaan
Herman Gouwe est le peintre qui, après Gauguin, a
su comprendre l'impact que Tahiti et ses îles ont apporté
à l'art occidental. Depuis son arrivée dans les
îles en 1927 et pendant une trentaine d'années,
Gouwe a peint la Polynésie non pas comme un album de clichés
conventionnels, mais comme le défi permanent que le visible,
dans toute sa puissance, offre à l'art.
Tout artiste véritable est à
la recherche d'une Tahiti, d'une forme où coexiste le
beau et le bien, un lieu où puisse enfin se réaliser
la complicité d'esthétique et d'éthique.
Suivre le sillage de ces précurseurs signifie aussi ouvrir
le chemin qui conduit à reconnaître la longue complicité
des oeuvres d'art et des îles, à la fois unitaires
et multiples, saisissantes et mystérieuses, familières
et secrètes.