L'histoire de Tahiti et de ses îles
— mais aussi leur géographie et
toute leur anthropologie — se publie d'abord
à Londres et à Paris, un peu à
Madrid ou à Berlin, ou encore à Saint Pétersbourg.
Liées aux premiers découvreurs (ou redécouvreurs
?) bien souvent, ces éditions perdurent encore aujourd'hui
sous des formes plus modernes d'images, d'affiches, c'est-à-dire
de clichés cocotiers - vahiné, ultime avatar
du mythe du bon sauvage.
Il existe une autre histoire de
l'édition, méconnue, une histoire en langue
tahitienne et dans les langues des cinq archipels de ce qui
forme la Polynésie française aujourd'hui ; une
histoire de mise en écriture (1805) puis de mise sous
presse (1817) : l'histoire du passage d'une tradition orale à
une culture de l'écriture. Ce modèle né
à Tahiti s'exporte dans tout le Pacifique, occulté
à partir de 1840 par l'édition vite
officielle d'une toute nouvelle puissance coloniale.
Le dernier paragraphe de notre
histoire est donc celui de la permanence des éditions
religieuses en langues vernaculaires aux extraordinaires tirages
et, malgré / à cause de l'emprise des mass
media, celui de la lente émergence d'éditions de
type local ou régional et d'auteurs polynésiens
à la langue profane, au style de plus en
plus individuel, critique et poétique.