Comment devenir un
génie ? Chroniques / Malcolm de Chazal ; édition
établie et annotée par Jean-Louis Joubert ;
mise au point et sélection des textes, Kumari Issur. -
Paris : Philippe Rey, 2006. - 478 p. ; 24 cm.
ISBN 2-84876-050-8
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NOTE DE L'ÉDITEUR : De 1948 à sa mort, en 1981,
Malcom de Chazal a donné à la presse de l'île
Maurice d'innombrables chroniques dont voici, pour la première
fois, une large sélection. Le plus souvent écrites
dans la fièvre de l'improvisation, elles portent sur tous
les sujets possibles, au gré de l'actualité ou
de la réception des journaux d'Europe, qui pendant longtemps
arrivaient par bateau.
Chazal est souvent sévère
avec son île et ses compatriotes. Il fustige leur manque
de culture, et surtout le racisme — le « préjugé
de couleur » — qui imprègne la société.
Il choisit délibérément de militer pour
l'indépendance. Candidat aux élections de 1959,
il ne sera pas élu, mais garde un souvenir très
fort des réunions électorales, de ses prestations
d'orateur, de son contact avec le « vrai peuple ».
Les connaissances de Chazal sont celles d'un lecteur insatiable :
il propose des prospectives originales et souvent pertinentes
sur l'évolution de son île et du monde en général.
Toutefois le principal à ses yeux, c'est son œuvre, qu'il
commente alors qu'elle est en train de s'écrire, qu'il
explicite, qu'il vante auprès des écrivains français
de passage dans l'océan Indien. Bon prince, il donne aux
lecteurs les préceptes à suivre pour devenir un
génie
Chazal se laisse emporter parfois
mais on le suit volontiers car il trouve souvent des images fulgurantes,
des formules irrésistibles de drôlerie. Dans leur
spontanéité tout orale, les articles de Chazal
apportent un complément essentiel à son œuvre,
cette extraordinaire construction poétique qui fait d'une
île du bout du monde le centre de l'univers et le lieu
d'origine de la civilisation.
Malcolm de Chazal (1902-1981), écrivain et peintre
de l'île Maurice, publie dans son pays à partir
de 1940 des recueils de « pensées »
et aphorismes. En 1947, il fait parvenir l'un de ces volumes,
Sens-Plastique, aux intellectuels français qu'il
juge dignes de le recevoir : André Breton, Jean Paulhan,
Francis Ponge. Le texte est accueilli dans l'enthousiasme et
impose Malcolm de Chazal comme un astre poétique nouveau.
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EXTRAIT |
Le préjugé de
grandeur
Advance 13 décembre 1955
[…]
Soyons simples.
Ainsi ne marchons pas le dimanche dans nos habits avec une démarche
endimanchée et en visage du dimanche. Soyons
« lundi » dimanche, un mardi avec un feutre
neuf.
C'est ainsi que je me suis rendu célèbre récemment
avec un feutre neuf … sans une face du dimanche.
On a trouvé cela extraordinaire. Et tout le monde a ri.
J'étais aussi célèbre, pour quelques jours,
que Napoléon revenant d'Austerlitz. J'avais déshabillé
mon chapeau par ma face, et ça faisait rire. J'étais
comique, parce que je ne portais pas mon feutre neuf comme tout
le monde qui, lorsqu'il achète un feutre neuf, prend sa
face du dimanche.
Dimanche, c'est Paris. Les autres jours, c'est la province.
Un mariage ici, c'est dimanche et Paris. Tout autour, pour les
autres gens, c'est la semaine et la province.
Et le marquis descendra dans les chaumières pour faire
l'aristocrate. Et le paysan se voudra marquis, lorsqu'il se sera
endimanché.
Soyons simples.
Le Mauricien, lorsqu'il cesse de se vouloir petit maître,
est exquis.
Quand le Mauricien est « créole »,
c'est-à-dire « homme des îles »,
il est « sympathique » et éminent.
Un homme simple est M. Cantin 1. Il n'a
pas cru déchoir en chantant nos ségas.
Je note que je suis le seul homme « éminent »
en ce pays à s'en aller au Bazar et à boire à
même les cocos, coude à coude avec « mon »
peuple.
Soyons « créoles », c'est-à-dire
de simples « îliens », non des ilotes.
Des îles sont venus Napoléon et Pythagore et …
le Mauricien.
Nous sommes des hommes et, comme tels, nous pouvons prétendre
à tout.
Mais de grâce, brisez l'horloge Louis XV.
Mangeons nos camarons, notre palmiste est exquis, et l'eau de
la Mare aux Vacoas est du champagne. Mais cessons cette prétention.
Le Mauricien a le préjugé de grandeur. C'est
tout son mal.
☐ p. 115
1. | Cantin, Jacques. Cadre du service civil et chanteur mauricien de ségas (NdE). |
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APPROCHE BIBLIOGRAPHIQUE | - Malcolm de Chazal, « Petrusmok », Port
Louis : The Standard printing est., 1951
- Malcolm de Chazal, « Sens-plastique II »,
Port Louis : The General printing and stationery Co., 1947
- Malcolm de Chazal, extraits
de « Sens-plastique », in Océan
Indien éd. par Serge Meitinger et J.-C. Carpanin
Marimoutou, Paris : Omnibus, 1998
- Malcolm de Chazal, « Sens magique », Paris :
Léo Scheer, 2004
- Malcolm de Chazal,
« Autobiographie spirituelle »
coordination et notice biographique par Robert Furlong, notice
bibliographique par Christophe Cassiau-Haurie, Paris : L'Harmattan
(L'Afrique au cœur des lettres),
2008
- Malcolm de Chazal,
« Moïse » coordination par Christophe Cassiau-Haurie, présentation par
Robert Furlong, Paris : L'Harmattan (L'Afrique au cœur des lettres),
2008
- « A
la rencontre de Malcolm de Chazal » entretiens recueillis
par Bernard Violet, Paris : Philippe Rey, 2011
| - Adrien Le Bihan, « Retour
de Lémurie », Paris : François
Bourin, 1993 (Epilogue, pp. 274-288)
- Laurent Beaufils, « Malcolm
de Chazal : quelques aspects de l'homme et de son œuvre »,
Paris : La Différence, 1995
- Christophe Chabbert, « Petrusmok
de Malcolm de Chazal : radioscopie d'un " roman
mythique " », Paris : L'Harmattan,
2001
- Bernard Violet, « Malcolm, la princesse et le dromadaire », Paris : Philippe Rey, 2011
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mise-à-jour : 29 août 2011 |

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