Retour de Lémurie / Adrien Le Bihan. - Paris : François Bourin, 1993. - 290 p. ; 21 cm.
ISBN 2-87686-166-6
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Le
livre et l'île sont complémentaires. Ils se donnent
mutuellement souffle et persévérance. Tant de beaux
livres sont meublés de mer et de vent, irrésolus comme la
vague qui hésite, le vent qui tourne. Lorsqu'ils somnolent, ce
n'est jamais que, dirait-on, bercés d'infini — de cet
infini qui n'est autre que ce qui s'offre au regard.
p. 258 |
Madagascar et les îles voisines, La Réunion, Maurice, Rodrigues, Comores, Seychelles, Chagos et autres îles éparses
dans l'océan Indien ne sont peut-être que les
témoins subsistant, surnageant, après l'effondrement de
l'hypothétique Lémurie — lieux bien réels
qui se parent ainsi des prestiges impalpables associés à certains
non-lieux
(utopies, îles flottantes, îles
englouties …). C'est là qu'Adrien Le Bihan
propose un voyage qui brouille les frontières entre genres en
empruntant autant au dit des insulaires qu'aux relations des voyageurs
ou aux rêveries des poètes.
Ce florilège malgache donne
à entendre une profuse polyphonie où se
mêlent et se répondent les voix de Rabearivelo et de
Paulhan, où se greffent les apports de Bernardin de Saint-Pierre
et de Malcolm de Chazal, où résonnent des échos
venus d'Irlande (Beckett, Joyce), des Baléares (Robert Graves),
de Raiatea (Jean Reverzy) ou de l'île de Sein (avec Georges
Perros) …
La Lémurie d'Adrien Le Bihan est un carrefour où se
mesure l'emprise du rêve insulaire. En témoigne Natacha
Rostov : « L'île de Madagascar, dit-elle.
Ma-da-gas-car, répéta-t-elle en détachant
nettement chaque syllabe » ; pour Adrien Le Bihan,
« Madagascar, dans la bouche de Natacha, n'est pas une
Lémurie. C'est l'évocation brève de ce qui n'aura
jamais lieu, le cri de révolte résigné de
l'héroïne (…) contre l'ensevelissement que
Tolstoï lui prépare. (…) [Ce] Ma-da-gas-car
énigmatique de Natacha, rien qu'en brisant net la forme qui la
retient, lui montre le chemin de la Grande Île ».
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EXTRAIT |
Un
jour, Cristóbal Serra m'écrit de Palma à
Tananarive : « Quel nom chantant ! Je sais qu'il
existe là-bas des proverbes, mais je ne les connais
pas ».
Les proverbes malgaches ne font jamais défaut, depuis quelque
temps, dans les librairies de Tananarive. Il ne me fut pas difficile
d'envoyer à Cristóbal Serra le recueil bilingue de J.A.
Houlder, ancien missionnaire anglais à Madagascar. Quelques mois
plus tard, Serra publiait, dans la revue littéraire de Palma Bitzoc,
une traduction en espagnol de cinquante de ces proverbes. En les
retraduisant en français, je me donnai l'illusion de naviguer
entre Majorque et Madagascar sur un bateau de chez moi, avec des cartes
marines qu'aurait pu dessiner le Catalan Jaime Ferrer, dont le nom m'a
servi naguère de pseudonyme, et de voyager entre mes îles
beaucoup mieux qu'aucun déplacement réel ne m'y
autorisait.
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mise-à-jour : 12 octobre 2012 |

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