Le naugrage du
Santiago sur les « Bancs de la Juive » (Bassas da
India, 1585) / relations traduites du portugais par Philippe
Billé et Xavier de Castro ; préface de Michel
L'Hour. - Paris : Chandeigne, 2007. - 189 p. : ill.,
cartes ; 22 cm. - (Magellane).
ISBN 2-915540-23-3
|
10 avril 1585, la nef Santiago, où
s'entassent plus de 450 personnes, quitte Lisbonne et prend la route
des Indes ; elle arrive en vue du cap de Bonne Espérance le
12 juillet, puis s'engage dans le canal de Mozambique entre la
côte africaine et Madagascar. Dans la nuit du 19 au 20
août, la lune n'étant pas levée et
l'obscurité profonde, « le
navire donna trois terribles chocs, dans lesquels toute la
carène fut arrachée et renversée, car le haut-fond
était escarpé, puis elle fut rejetée sur les
récifs. La partie haute du vaisseau heurta à son tour le
banc » 1.
Au lever du jour, les survivants découvrent
progressivement les lieux du sinistre — un atoll en formation
qui, au gré des marées, peine à
émerger … l'ébauche d'une île, impropre
à amortir la fureur des flots qui ne cessent de
déferler … un anneau de corail qui se dérobe
sous le poids et coupe la chair des pieds aussi sûrement qu'un
rasoir … À bord d'embarcations de fortune, une
soixantaine de rescapés reprendront la mer en direction de la
côte africaine.
Les Bassas da India sont française depuis 1897, «
en dépit de la décolonisation de Madagascar et des
revendications de propriété formulées depuis
plusieurs décennies par le gouvernement malgache » ; c'est que « cette couronne de madrépores concourt (…) à elle seule pour 123 700 km2 aux 11 millions de km2 d'espaces maritimes sur lesquels la France a établi (…) sa tutelle » 2. 1. | Relation de Manuel Godinho Cardoso, p. 52 | 2. | Michel L'Hour, Préface, p. 16 |
|
SOMMAIRE |
- On a marché sur les Bassas da India …, préface de Michel L'Hour
- La relation de Manuel Godinho Cardoso
- Cartes
du canal de Mozambique et de la portion de côte mozambicaine
où parvinrent les groupes de naufragés survivants
- La lettre du père Pedro Martins (1586)
- Bibliographie
- Indes
|
|
EXTRAIT |
Lorsque
le jour commença de poindre, beaucoup de gens dirent qu'ils
voyaient la terre, et certains affirmaient que c'était la terre
ferme, mais quand le jour fut tout à fait levé, ils se
détrompèrent, car ce qui ressemblait à de la terre
et à des arbres, ce n'était que les débris de la
nef, des tonneaux et des caisses, que le courant avait emportés
vers un point où l'eau était moins profonde et où
ils s'étaient accumulés. On vit alors ce haut fond, qui
se présente comme suit : il est de forme arrondie, mais
quelque peu étiré du nord-ouest au sud-est, si bien que
sa figure tend à l'ovale, il bouillonne d'écume du
côté du sud, du nord-ouest jusqu'à l'est, et le
reste est creux. Il y a au centre une sorte de bassin ou lagune, large
de quelque 2 lieues, et profonde par endroits de 3 à 4 brasses,
ailleurs de seulement deux ou moins. Les récifs
s'étendent sur environ une lieue, de l'extérieur au
bassin central, et donc ces bancs mesurent en tout plus ou moins 4
lieues de large, et 12 de pourtour. Les récifs sont couverts de
2 à 3 palmes d'eau à marée basse. À
marée haute, dans la majeure partie, il n'y avait pied
qu'à 2 lieues et demie ou 3 de la nef. Il y a de l'ouest au nord
des rangs serrés de rochers, dont se détachent vers le
nord-est deux ou trois de plus grande taille, qui de loin semblent des
îlots. Les récifs et la lagune sont tous recouverts de
corail blanc, rouge et vert. Il passe du blanc au brun, du brun au
violet, puis au rouge, mais jamais parfaitement. Le rouge est si mou
que, lorsqu'on y porte la main, il se dissout et devient comme du sang
coagulé. Tout le monde se blessa sur ce corail, car marcher
dessus est comme marcher sur des tessons de verre. Les blessures
suppuraient et se teintaient de la couleur du corail, et il semble
l'eau où il poussait était elle-même
empoisonnée.
☐ La relation de Manuel Godinho Cardoso, pp. 54-55 |
|
|
mise-à-jour : 21 avril 2007 |

| |
|