Sylvain Roumette

Lilith dans l'île

Arléa

Paris, 1990

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errances
Lilith dans l'île / Sylvain Roumette. - Paris : Arléa, 1990. - 154 p. ; 21 cm. - (Lieux dits).
ISBN 2-86959-072-5

NOTE DE L'ÉDITEUR : « Qui écrira le roman de Lilith ? » demandait Vigny dans son Journal — Lilith, la première femme, exigeante et rebelle, celle qui répudia Adam et s'envola pour toujours au-delà des mers.

C'est dans cet au-delà des mers, représenté par le monde polynésien — le cinquième monde de Segalen 1 — que le narrateur part à la recherche de celle qu'il a cru posséder et qui ne pouvait pourtant que lui échapper.

De Rurutu à Tahiti, de Maupiti à l'île de Pâques, son odyssée pacifique est un voyage sentimental, avec l'échec pour prix de la guérison.
       
1.Pour caractériser le discours d'un militant polynésien (éphémère figurant de son roman), Sylvain Roumette note : « Au mot d'aliénation près, c'était du Barrès, mais après tout Segalen n'en est pas si loin … » (ch. 22, p. 83).
EXTRAIT

Quand on arrive à l'île de Pâques en venant non pas de l'Europe (et Santiago c'est encore l'Europe), mais de la Polynésie, par exemple d'un de ces atolls qui sont comme des îles inversées (de l'eau entourée de terre, et non de la terre entourée d'eau, et vus d'avion ils ressemblent à des gouttes d'huile tombées à la surface de l'océan), la première sensation est de mettre le pied sur une terre qui résiste sous les pas. Finis les compromis avec la mer, les littoraux précaires, les sables minés de crabes, les presqu'îles terraquées, adieu récif, adieu lagon : on est ici sur le dos d'une grosse tortue volcanique, bien aggrippée sur ses pattes, une Cornouaille dont la pointe du Raz s'appellerait simplement pointe de Cook. C'est le même air océanique qu'on y respire, sans doute parce que c'est un pays de vent, ce que ne sont pas les tropiques, qui ne connaissent que le calme plat ou le cyclone. Le long de tous les chemins de l'île ce vent froisse les roseaux qui font un bruit de campagne d'Europe, de pays d'Arles ou de plaine du Pô, si différent là aussi du décore sonore de Tahiti où le bruit d'une feuille de purau qui tombe est à peu près celui d'un morceau de carton et où n'existe nulle part, ni dans la montagne, ni dans les lourdes forêts immobiles de Moorea, l'équivalent musical des feuillages d'Europe (ceux par exemple du parc nocturne de Blow up, si magnifiquement filmé par Antonioni). Quand le soir tombe autour de Hanga Roa le chant des grillons s'installe et c'est encore un bruit d'enfance, de nuit vauclusienne sous d'autres étoiles. C'est cela surtout qui m'avait frappé lors de mon premier séjour : c'est le plus familier qui l'emporte toujours. La note déjà entendue, l'odeur déjà respirée sont plus forts que ce qui n'a été ni entendu, ni respiré. L'exotisme est battu d'avance.

pp. 28-29

mise-à-jour : 12 septembre 2005

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