L'Australien
/ Philippe Dagen. - Paris : Nouvelles éditions Scala, 2010.
- 159 p. : ill. ; 21 cm. - (Ateliers imaginaires). ISBN 978-2-35988-033-5
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| Ce que je désire c'est un coin de moi-même encore inconnu.
Paul Gauguin, lettre à Emile Bernard, août 1889 |
En juillet 1895 Gauguin embarque sur L'Australien pour
son second et dernier départ vers les mers du Sud. C'est un
voyage sans retour. Philippe Dagen imagine à cette occasion le
dialogue qui aurait pu se nouer entre le peintre et une
passagère qui effectue le voyage pour rejoindre son mari en
poste à Papeete : Camille Agostini est décrite comme une jeune femme représentative de
la bourgeoisie éclairée de l'époque. Ce qui
pourrait n'être, pour Camille, qu'une occasion d'atténuer
les effets de la mélancolie des paquebots, constitue l'amorce d'une rencontre où Gauguin trouve enfin la possibilité de faire entendre la logique
qu'il s'efforce de mettre en application dans son œuvre,
et où en retour Camille s'ouvre progressivement à un
monde ignoré.Camille tient un journal où elle
consigne la teneur de ses entretiens avec Gauguin. Philippe Dagen s'est
tenu à un rigoureux parti d'exactitude en mettant dans la bouche
du peintre des propos extraits de sa correspondance et de ses autres
écrits, en limitant strictement son intervention : « les
propos qui ont été mis dans la bouche de Gauguin sont
ainsi des phrases qu'il a écrites, reprises telles quelles ou
juste adaptées aux manières d'un dialogue » (note de l'auteur, p. 131). Vivement mené, ce dialogue met en lumière les motivations profondes d'un projet
créatif qui demeure encore trop souvent méconnu sinon
dénaturé.Si l'exercice souligne les visées
qui sous-tendent le parcours artistique de Gauguin et incite à
ne pas surévaluer sa portée
« exotisante », il permet également une
juste appréciation de la réception de l'œuvre par
les contemporains — une leçon qui gagnerait à
être entendue aujourd'hui encore. C'est sans doute là l'un
des premiers mérites de l'exercice subtil de décryptage
auquel se livre Philippe Dagen par le truchement de l'attachante
Camille Agostini.D'utiles annexes proposent un cahier iconographique, L'atelier de l'auteur où
Philippe Dagen expose sa méthode, quelques indications
bibliographiques, une chronologie de l'artiste et un petit dictionnaire
des personnages cités.
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EXTRAITS |
Vraiment, moi, la demoiselle de bonne famille parisienne qui ne
sortait jamais de ses beaux quartiers, la voici courant sous l'averse
dans une ville de Nouvelle-Zélande, une île qu'elle
n'aurait pas pu placer sur la mappemonde avec, dans sa main, cet objet
absolument bizarre, ce monstre au regard de nacre qui me semble
tantôt railleur, tantôt amoureux. Il y a un an, je
n'étais qu'une pâle convalescente, tout juste un peu plus
savante que la moyenne et n'ayant pas la moindre idée de ce que
je deviendrais, toute prête à se juger inutile et banale.
Me voici mariée à des milliers de kilomètres de
Paris, devenue par hasard l'amie d'un peintre révolutionnaire
qui me traite comme sa fille et me passionnant pour des peuples dont
les noms m'étaient aussi inconnus que celui de cette ville. Il
paraît, c'est Gauguin qui le dit, que des objets des mers du Sud
et même des natifs ont été montrés à
la dernière Exposition universelle. Je l'ai visitée, mais
j'étais encore presque une enfant et je ne me souviens de rien
de tel.
☐ pp. 102-103 |
Dernière visite au musée. Gauguin a renoncé
à dessiner. Il y a un vers de Baudelaire que je ne parviens pas
à retrouver dans lequel se trouvent ces mots « qui
l'observent avec des regards familiers ». Je ressentais
cela. Ces idoles me sont devenues familières.
☐ p. 111 |
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| COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Gauguin
à Montmartre : éléments pour une étude
du Gauguinisme en 1905 » in Paule Laudon (éd.), Rencontres Gauguin à Tahiti, Papeete : Aurea, 1989
- « Têtes
coupées : Gauguin lecteur de Villiers de l'Isle
Adam » in Françoise Cachin (éd.), Actes du collogue Gauguin, Musée d'Orsay, 11-13 janvier 1989, Paris : La Documentation française, 1991
- « Le
peintre, le poète, le sauvage : les voies du primitivisme
dans l’art français », Paris : Flammarion,
1998 ; Flammarion (Champs : arts, 655), 2010
| - Paul Gauguin, « Cahier pour Aline » préface de Philippe Dagen, Paris : Ed. du Sonneur (La Petite collection), 2009
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mise-à-jour : 15 novembre 2013 |

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