L'ombre animale / Makenzy Orcel. - Paris : Zulma, 2016. - 334 p. ; 19 cm. ISBN 978-2-84304-757-2
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| je ne suis pas morte je vais à ma rencontre
p. 334 |
Sur son lit de mort, une insoumise vouée au silence durant sa trop courte vie, entame un monologue en interpellant les membres de sa famille — Makenzy son père, Toi sa mère, Orcel
son frère. Puis comme une spire qui se déploie, le
récit s'ouvre à d'autres figures dont l'évocation
précise cruellement l'image d'un bourg perdu au cœur de la
campagne d'Haïti — l'Autre, le Maître d'école, l'Envoyé de Dieu.
Abandonnée aux marges du temps, la communauté assiste
impuissante à la disparition des derniers symboles d'une vie populaire amicale, au point pour certains d'y contribuer activement
L'histoire que livre le monologue de l'insoumise
n'esquive aucune compromission, aucun renoncement, aucune
défaillance ; jusqu'au dénouement où les uns
et les autres perdent certitudes et raisons de vivre. Un
temps perçue comme un point d'échappée, la ville
n'est plus qu'un irrévocable terminus où
s'échouent les rêve.  | Poète
et romancier né en 1983 à Port-au-Prince, Makenzy Orcel
fait ses études classiques au Collège Adventiste de
Diquini et poursuit ses études à la Faculté de
Linguistique Appliquée de Prince-au-Prince jusqu’à
ce qu’il abandonne ses études pour se consacrer à
la lecture et à l’écriture. Il est une des grandes
promesses de la littérature contemporaine haïtienne.
Il est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes et de remarquables romans : Les immortelles (Mémoire d’encrier, 2010), Les latrines (Mémoire d’encrier, 2011), L’ombre animale (Zulma, 2016).
Lui
ont été décernées de nombreuses
distinctions, dont les Prix Louis Guilloux et Littérature-Monde.
Source : Mémoire d'encrier.
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INCIPIT |
l'odeur d'oignon frit de la mort
je
suis le rare cadavre ici qui n'ait pas été tué par
un coup de magie, un coup de machette dans la nuque ou une
expédition vaudou, il n'y aura pas d'enquête, de
prestidigitation policière, de suspense à couper le
souffle comme dans les films et les romans — et je te le dis
tout de suite, ce n'est pas une histoire —, je suis morte de
ma belle mort, c'était l'heure de m'en aller, c'est tout, et
maintenant que je ne suis plus de ton monde où l'on monopolise
tout — les chances, la parole, l'amour, le
pouvoir — et que j'ai enfin droit à la parole,
à un peu d'existence, je vais parler, parler sans arrêt,
laisser mes mots voguer, aller au-delà de leur limite, rien ne
pourra plus m'en empêcher, même la rigueur du temps, sa
tendance à tout restituer, oui moi, inerte, allongée sur
ces haillons que j'ai toujours eu du mal à appeler un lit, je ne
sais plus depuis combien de temps, dans le noir de cette chambre
refermée sur moi comme une tombe, une camisole de force, une
éternité, une seconde, je ne saurais le dire, je
l'ignore, est-ce si important, qu'est-ce qu'un tas de puanteur en a
à foutre, et puis mieux vaut ne rien savoir, ne pas chercher
à expliquer, voilà pourquoi, et peut-être pour
d'autres raisons qui peuvent paraître plus évidentes
qu'elles ne le sont vraiment, j'ai choisi de te parler à toi
[…]
☐ pp. 11-12 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « L'ombre animale », Paris : Points (P4883), 2017
| - « Maître-Minuit », Paris : Zulma, 2018
- « Caverne (suivi de) Cadavres », Lille : La Contre-allée (La Sentinelle), 2017
- « La nuit des terrasses », Lille : La Contre-allée (La Sentinelle), 2015
- « Les latrines », Montréal : Mémoire d'encrier, 2011
- « A l'aube des traversées, et autres poèmes », Montréal : Mémoire d'encrier, 2010
- « Les immortelles », Montréal : Mémoire d'encrier, 2010 ; Paris : Zulma, 2012
- « Sans ailleurs », Port-au-Prince : Arche collectif, 2009
- « La douleur de l'étreinte », Port-au-Prince : Henri Deschamps, 2007
| Sur le site « île en île » : dossier Makenzy Orcel |
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mise-à-jour : 5 octobre 2018 |

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