une-certaine-absence@gmel.ie / Claude Lucas. - Paris : P.O.L, 2015. - 362 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-8180-2181-1
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je suis tombé sur ce chapitre … on peut dire
chapitre, n'est-ce-pas, ce que vous écrivez c'est un roman ? — Disons digression plutôt que chapitre. C'est une narration, quelque chose comme ça. — On pourrait dire aussi absence, non ? — On peut dire ça aussi.
p. 325 |
Claude Lucas a fait son entrée dans le monde littéraire en 1995 avec la publication de Suerte
dans la collection Terre Humaine chez Plon où il côtoyait,
entre autres, Claude Lévi-Strauss, Jean Malaurie, Margaret Mead,
Victor Segalen ou encore Emile Zola.
Roman autant que
témoignage, « écrit à l'ombre des
vieilles grilles en pleurs », Suerte
interroge la vie la mort et le labyrinthe où l'une et l'autre se
débattent. Avec plus de distance et, semble-t-il, plus de
légèreté, l'éternelle question hante les
pages du dernier roman de Claude Lucas, une-certaine-absence@gmel.ie.
Comme
une coulée verte, l'obsession d'un coin de l'Ouest irlandais
traverse un récit — narration ? —
que, sous couvert d'un pastiche du roman noir américain,
l'auteur truffe de faux-semblants qui sont autant de pièges
tendus au lecteur trop confiant. La vie dans tout son éclat y
paraît sous les traits d'Aileen O'Shaughnessy aux cheveux
flamboyants, et la mort, rarement où on l'attend.
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EXTRAIT |
Georges et moi avons recruté Aileen
dès l'obtention de sa licence professionnelle. Nous la
connaissions déjà bien : dans le cadre de son cursus
d'enquêtrice privée à Panthéon-Assas, elle
avait effectué deux stages de formation dans notre agence. Si
l'on est européen, en effet, la condition d'étranger
n'empêche pas d'intégrer la profession ; dans le cas
d'Aileen, dont la mère est française, c'est encore plus
simple : elle possède la double nationalité et parle
couramment les trois langues, français, anglais et irlandais
(l'ordre dans lequel je les énumère ne lui plairait sans
doute pas), auxquelles on doit pouvoir ajouter le dialecte de
Connaught, province d'où elle est originaire et où elle
passe toujours ses vacances.
J'aurais adoré être irlandais.
Notamment irlandais de la province de Connaught. Et plus
spécialement de la ville de Galway. Si je me risquais à
préciser davantage ma pensée, j'ajouterais
même : irlandais de Quay Street de la ville de Galway de la
province de Connaught. Aileen est née et a passé sa
jeunesse à Galway, dans ce quartier de Quay Street pour cette
raison remarquable entre tous.
Car moi, Melchisédech Brnzenswicg, il me
semble que je ne suis de nulle part. Ou alors du plat pays sans
histoire ni folklore dénommé moi où ne se parle
que le je, langue monosyllabique sans accent qui rend son autochtone
transparent, inodore et sans saveur, qualités idéales,
j'en conviens, pour un détective privé.
☐ p. 35 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Vaguement seul à Ouessant » in Jean-Pierre Castelain (dir.), Îles réelles, îles rêvées, Ethnologie française, n° 2006/3, juillet-septembre 2006
| - « Ti kreiz », Paris : P.O.L, 2010
- « Suerte », Paris : Plon (Terre humaine), 1996 ; Pocket (Terre humaine poche, 10593), 1998
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mise-à-jour : 26 janvier 2018 |
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