Jean-Yves Masson (dir.)

Anthologie de la poésie irlandaise du XXe siècle : 1890-1990

Verdier

Lagrasse, 1996

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Irlande
Anthologie de la poésie irlandaise du XXe siècle : 1890-1990 / éd. bilingue sous la dir. de Jean-Yves Masson ; auteurs gaéliques choisis et présentés par Pierre-Yves Lambert ; préf. de Patrick Hersant, Jean-Yves Masson et Pierre-Yves Lambert. - Lagrasse : Verdier, 1996. - 781 p. ; 22 cm.
ISBN 2-86432-228-5

NOTE DE L'ÉDITEUR : En Irlande plus que dans n'importe quel autre pays d'Europe, les poètes ont leur place au cœur de la cité. Depuis qu'à la fin du siècle dernier la « Renaissance celtique » a rendu au pays son autonomie culturelle par rapport à la tradition anglo-saxonne renforcée par des siècles de colonisation, et au fur et à mesure que la langue gaélique longtemps réprimée retrouvait les voies de la création littéraire abandonnées depuis le XVIIIe siècle, la poésie en Irlande est devenue le mode d'expression privilégié d'un imaginaire collectif où se reflètent tous les enjeux de la création.

Pour la première fois en dehors du monde anglo-saxon, cette anthologie propose un panorama aussi complet que possible de la floraison poétique qui a marqué le XXe siècle, au nord comme au sud de l'île, tant en anglais qu'en gaélique. Une centaine d'auteurs nés entre 1845 et 1956 (dont un bon nombre traduits pour la première fois) sont ici présentés à travers près de quatre cents poèmes. On y verra que les figures majeures de ce siècle, de Yeats à Heaney, de Kavanagh à Kinsella, de MacNeice à Montague, sont apparues dans un contexte d'une richesse exceptionnelle où des fortes personnalités comme Máirtin Ó Direáin, Sean Ó Ríordáin, Denis Devlin, John Hewitt, Brendan Kennelly ou Padraic Fallon, pour ne citer que quelques noms, demeurent encore à découvrir.

La génération née autour de 1950, ici largement représentée, se distingue par l'émergence de voix féminines marquantes (de Nuala Ní Dhomhnaill à Mary O'Malley). Elle illustre de façon neuve la persistance de la double tentation de l'engagement politique ou du repli aux marges du silence qui traverse l'œuvre des aînés, et qui confère à la poésie irlandaise, anglophone autant que gaélique, une place essentielle dans l'Europe d'aujourd'hui.

NICOLE ZAND : […]

Comment montrer l'identité poétique de l'Irlande ? Comment expliquer la spécificité de l'écriture anglo-irlandaise ? Jean-Yves Masson, le jeune maître d'œuvre de cette méga-entreprise — trente-quatre ans, responsable de la collection de littérature allemande aux éditions Verdier, traducteur d'anglais et d'italien, de Yeats et de Hofmannsthal — a certainement lu tout ce qui a été publié, quelque trente mille poèmes dit-il, pour déceler les constantes d'un destin collectif ancré dans ces lieux chargés d'exactions et de culture, et faire le point à l'intention de lecteurs d'aujourd'hui.

[…]

Une telle anthologie, c'est un cheminement parmi les découvertes : ainsi, La Grande Famine, le très impressionnant poème de Patrick Kavanagh (1904-1967), fermier autodidacte devenu dans les années cinquante un critique littéraire redouté, traduit intégralement en français pour la première fois (« Glaise est le verbe et glaise est la chair »), monologue intérieur de Patrick Maguire, le pauvre paysan qui parle tout seul à la porte d'une étable, « un paysan ignare, les pieds dans le fumier ». Ou bien Thomas Kinsella (né en 1928) l'auteur de Finistère (1972), marqué par Pound, Auden, Eliot, en lutte contre le matérialisme, soucieux avant tout de combattre une tendance au régionalisme qui risquerait de replier la littérature irlandaise sur elle-même (« Qui / est le mot capable une fois prononcé / de faire jaillir la lance / et de répandre à flots la terreur / de faire jaillir l'étincelle / et d'enflammer les cerveaux ? »). Ou John Montague (né en 1929), qui a longtemps vécu aux États-Unis, poète de la mémoire et du rêve, l'auteur du remarquable recueil La Langue greffée (en français chez Belin). Ou encore les amis que Beckett contribua à faire connaître : Denis Devlin (1908-1959) et Brian Coffey (1905-1995), l'incantatoire, qui fut proche de Jacques Maritain et de Paul Claudel, puis militant antinucléaire dans les années quatre-vingt. Sans oublier l'étonnant AE (1867-1935), pseudonyme de George William Russell, l'une des grandes figures de la Renaissance, qui avait d'abord choisi de signer Aeon, référence grecque à l'âge d'or …

Enfin, on ne saurait oublier Oscar Wilde, dont un extrait d'un des poèmes les plus connus de la langue anglaise (« Je ne sais pas si les lois sont justes, / Ou si les lois se trompent, / Tout ce que nous savons, qui gisons dans la geôle ; / C'est que le mur est solide ; et que chaque jour est comme un an »). Ou encore Le Saint Office, le poème satirique contre les artistes du « crépuscule celtique » que James Joyce écrivit avant de quitter Dublin, en 1904 : « Je me donnerai à moi-même / Ce nom : Catharsis-Purgatif. / Moi qui délaissai ma bohème / pour la grammaire des poètes, / portant de taverne en bordel / l'esprit du subtil Aristote. »

Une anthologie, c'est un plaisir qui ne s'épuise pas. Des choix infinis qui s'offrent au lecteur. Qu'il peut critiquer. Comparer les traductions possibles. Un livre de chevet. […]

Le Monde des livres, 19 juillet, 1996

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Jean-Yves Masson, « L'isolement », Lagrasse : Verdier, 1996, 2014

mise-à-jour : 3 février 2014

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