Le
rêve de Ryôsuke / Durian Sukegawa ; trad. du japonais
par Myriam Dartois-Ako. - Paris : Albin Michel, 2017. -
313 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-226-39625-9
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En
partant vivre sur une île, Ryôsuke veut reprendre et
poursuivre le rêve brisé de son père. Sur
l'île, Ryôsuke est vite subjugué par l'emprise d'une
nature encore partiellement inviolée ; il ne renonce pas
à accomplir son projet mais comprend qu'il devra composer avec
les éléments, la faune et la flore — dans une
disposition d'esprit qu'on pressent en accord avec les fondements de la culture japonaise.
Cette
démarche va pourtant heurter le conservatisme
réactionnaire de la population de l'île, insoucieuse de
l'avenir mais, tout autant, oublieuse des valeurs d'un passé
immémorial.
Ryôsuke
qui voulait respecter la nature en collaborant avec les chèvres
de l'île pour produire un fromage — qu'il rêve
proche du brocciu (!) —
ne parviendra pas à convaincre la communauté insulaire.
Mais l'épreuve lui a rendu confiance et il finit par s'embarquer
pour une île voisine qui, à défaut d'hommes, abrite
un troupeau de chèvres. |
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EXTRAIT |
Lentement,
comme s'il savourait chaque pas, Ryôsuke pénétra
dans la forêt. Il effleura le tronc de l'arbre géant
devant lui, le vert profond de la mousse gorgée
d'humidité. Par endroits, l'écorce du banian pointait,
pareille à de la peau d'éléphant
fossilisée. Il laissa courir ses doigts dessus pour lui
transmettre l'émotion qui l'étreignait au plus profond de
lui, le mélange de respect et de gratitude qui jaillissait de
son cœur.
Il tendit la main vers une épaisse racine
aérienne qui tombait de l'arbre. Il s'y agrippa, avec une
idée en tête et se laissa peu à peu peser de tout
son poids. Dans un froissement, des rameaux et des feuilles
tombèrent en cascade au-dessus de sa tête. Mais la racine
aérienne ploya, sans se rompre. Les pieds de Ryôsuke
quittèrent le sol et il se balança, tiré vers le
haut.
Il avait l'impression d'être le jouet de l'arbre.
Pas seulement de ce banian, mais de la forêt primaire tout
entière, qui l'accueillait en son sein.
Mais où était-il ? … Où ? Cette question le taraudait.
Il regarda autour de lui.
Au
pied de l'arbre paissait un troupeau de chèvres.
C'étaient celles qui ne s'étaient pas montrées la
fois précédente, sur le sentier de montagne. Les femelles
aux lourdes mamelles et leurs petits qui les tétaient.
Elles
broutaient çà et là, observant de temps à
autre Ryôsuke et la chèvre tachetée restée
à ses côtés.
Il fit quelques pas dans la
forêt et s'assit sur une pierre qui affleurait entre les herbes.
La biquette continuait à frotter son museau contre sa hanche. Il
fit courir sa main sur son front et ses cornes. Elle se raidit un peu,
mais avec un bêlement qui retentit loin parmi les arbres se serra
contre lui. Les autres aussi restaient près de lui sans
s'éloigner. Pour finir, la chèvre toute noire se montra.
Assis sur la pierre, il contempla un moment le troupeau. La forêt respirait la vie.
☐ pp. 129-130 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « ピンザの島 (Pinza no shima) », Tōkyō : Popurasha, 2014
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mise-à-jour : 31 août 2017 |

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