Le Jour de l'An d'un
vagabond / Albert Glatigny. - Ajaccio : Acquansù,
2005. - 79 p. : ill. ; 16 cm. - (Petite bibliothèque
de classiques sur la Corse, 3).
ISBN 2-916117-02-4
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Poète apprécié
mais désargenté, Albert Glatigny vit de ses épisodiques
cachets de comédien. Un engagement au théâtre
de Bastia, et le voilà en Corse.
Le 1er janvier
1869, il est arrêté à Bocognano par un innénarrable
gendarme qui le prend pour un autre.
De ses quatre jours de cachot,
de sa rencontre avec le sidérant brigadier Theissen, il
fait un récit plein d'humour mélé aux plus
belles pages de description des montagnes corses.
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EXTRAITS |
Cette route effrayante me paraît
la plus belle du monde. Le bonjour amical des bergers me salue
en passant. Le cliquetis des sonnettes fait un joyeux bruit.
Une tête de mouflon apparaît dans la verdure des
maquis. Des pâtres, couchés dans l'attitude nonchalante
des chevriers de Salvator Rosa, égaient le paysage. Tout
a un air de bienvenue et de contentement. Je suis au beau milieu
d'un océan de montagnes. Les torrents grondent ;
une cascade tombe le long d'un rocher géant, blanche et
s'éparpillant comme une chevelure de femme ; une
ruine se dresse au sommet d'un mont, les arbousiers, les myrtes
se pressent confusément : il y a des vols d'oiseaux
dans l'air. Quelles splendides étrennes accorde la nature
au pauvre comédien errant ! Ma petite chienne est
folle de joie, elle court après les merles qui se moquent
gaîment d'elle ; je me récite des vers de Victor
Hugo que les arbres ont l'air de comprendre, et c'est ainsi que,
vers dix heures du matin, j'arrive au clair et joyeux village
de Vivario.
☐ pp. 8-9 | J'étais là, sur
le dos, dans la nuit, étendu sur une ignoble planche qui
n'a pas été balayée depuis cinquante ans,
dans un cachot taillé en plein roc, dont les murailles
suintent l'humidité. Le plafond était le plancher
de la chambre d'un gendarme. On dansait au-dessus de moi. Comme
les fers que j'avais aux pieds m'empêchaient de me tourner
même légèrement sur le côté,
je recevais la poussière et les toiles d'araignée
dans les yeux. Des rafales de vent froides et pénétrantes
entraient par l'ouverture du guichet. J'étais ainsi depuis
une heure, croyant à une mauvaise plaisanterie. Ma pauvre
Cosette était grimpée sur le lit de camp et me
léchait la figure en gémissant. J'entendais dans
une poignée de foin jetée à côté
de moi, et qui, d'ailleurs, était dans un état
de parfaite pourriture, des bruits secs, crépitants. La
phrase sinistre du forçat qui disait à Ranc :
« — Ça, jeune homme, ça n'est rien.
C'est les puces qui montent, » me revint en mémoire.
Les rats et les souris commençaient à prendre ma
figure pour le bois de Boulogne, et se promenaient autour de
mon nez comme autour du lac.
☐ p. 22-23 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Le Jour de l'An
d'un vagabond », Nice : V.-E. Gauthier, 1869
- « Le Jour de l'An
d'un vagabond », Paris : Au bureau du Journal
l'Eclipse, 1869
- « Le Jour de l'An
d'un vagabond », Paris : A. Lemerre, 1870
- « Le Jour de l'An
d'un vagabond » avec des gravures de J.-E. Laboureur,
Rouen : Sté normande des Amis du livre, 1932
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mise-à-jour : 23 novembre 2005 |

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