Joachim Sartorius

Îles des Princes, aux portes d'Istambul

La Bibliothèque - L'Ecrivain voyageur

Paris, 2016
bibliothèque insulaire
   
Méditerranée

parutions 2016

Îles des Princes, aux portes d'Istanbul / Joachim Sartorius ; trad. de l'allemand par Françoise David-Schaumann et Joël Vincent. - Paris : La Bibliothèque, 2016. - 162 p. : ill. ; 17 cm. - (L'Ecrivain voyageur).
ISBN 978-2-909688-76-3
Prinkipo est une île de paix et d'oubli. La vie du monde extérieur y arrive à retardement. (…) Y a-t-il beaucoup d'endroits pareils au monde ? Nous n'avons pas le téléphone dans notre maison. Les braiements des ânes calment les nerfs. À aucun moment on ne peut oublier que Prinkipo est une île, car la mer est sous notre fenêtre et il n'y a pas un endroit de l'île duquel on ne voie pas la mer.

Léon Trotski, cité p. 74

E
n mer de Marmara, entre Europe et Asie, les îles des Princes (neuf îles dont cinq habitées) 1 sont à une heure environ d'Istanbul. Elles ont été tour à tour lieux d'exil et de relégation, lieux de retraite — un bon endroit pour prendre la plume pensait Trotski —, lieux de villégiature et, aujourd'hui, de tourisme. Au fil du temps des Grecs, des Turcs, des Juifs et des Arméniens s'y sont installés et ont pu s'y sentir chez eux — entre deux crises parfois durables et souvent violentes.

Visiteur charmé, Joachim Sartorius apprécie ce cosmopolitisme et l'art de vivre qu'il a engendré, mélange de laisser-aller, de faste levantin et de danse sur le volcan (p. 152). Il écoute la voix des écrivains qui ont hanté ces îles, Orhan Pamuk et, hier, Sait Faik Abasıyanık : “ tous mes amis l'aiment et le vénèrent ” ; ce n'était pas seulement un merveilleux écrivain : “ il fait l'effet de quelqu'un avec qui on aimerait vivement nouer connaissance ” (p. 105).

De sourdes menaces pèsent sur le fragile équilibre de l'archipel ; l'ouvrage se referme sur l'ultime toast du dîner d'adieu offert par l'auteur à ses amis îliens : “ Puissent nos pires jours ressembler à celui-ci ! ”.
       
1. Les 9 îles  Iles des Princes sont, de la plus grande à la plus petite, les suivantes: Büyükada, Heybeliada, Burgazada, Kinaliada, Sedef Adasi, Yassiada, Sivriada, Kasik Adasi et Tavsanadasi. [en ligne]
JOACHIM SARTORIUS : […]

C'est une amie d'Istanbul, Sezer Duru, journaliste et traductrice, qui m'a emmené un jour aux Îles des Princes. C'était en 1979. C'était une excursion, rien d'autre, et je l'ai décrite dans mon livre. (…) Cette première visite, il y a bien plus de 35 ans, a laissé une marque indélébile dans ma mémoire. Les îles étaient charmantes à cette époque, un microcosme cosmopolite sous une cloche, avec des traces byzantines, grecques et ottomanes, des jardins exubérants, et une grâce certaine des insulaires … Malgré de nombreuses visites après cette première rencontre j´ai pris la décision d´écrire ce livre assez tard, en 2008.

[…]

Interview de Joachim Sartorius (janvier 2016), à lire dans son intégralité sur le site de La Bibliothèque
[en ligne]
EXTRAIT Aujourd'hui, c'est ma vraie tournée d'adieu. Selçuk sort de la maison, ferme à clé et revient au port avec moi. Je veux aller, encore une fois, au restaurant Milto, là où Ataol m'a introduit, le premier soir.

   Je bénéficie d'un traitement de faveur auprès des serveurs. (…) À la table d'en face sont assises trois jeunes femmes. Deux portent des foulards d'un vert métallisé. La troisième, sans foulard, photographie les deux filles enturbannées qui pouffent de rire. (…) Après une brème au bleu, fraîche et délicieuse, nous poursuivons notre virée, entrons au Touring Café au premier étage de l'embarcadère pour prendre un café turc. Les fenêtres aux carreaux de verre coloré projettent une lumière chaude, sensuelle, quasiment cubaine sur le sol et les murs en tons orange, rouges, verts, bleus, toutes les couleurs lumineuses que je vais retrouver au stand de gaufres et de glaces. Ici, dans une autre alcôve, ce ne sont plus trois jeunes, mais trois vieilles dames. Je n'en crois pas mes oreilles. Elles parlent ladino, la langue des Juifs séfarades qui sont venus d'Espagne à la fin du XVe siècle, parce que Ferdinand et Isabelle la Catholique les avaient placés devant le choix de se convertir ou de quitter le pays. Beaucoup ont trouvé refuge dans le jeune empire des Ottomans qui ne se souciait pas le moins du monde des étrangers. Même bien longtemps après l'abolition de l'Empire ottoman, les îles continuèrent à être le reflet de ce qui lui avait été propre : une immense variété linguistique, religieuse et culturelle. Je sais par les anciens récits de voyage que l'on entendait parler turc, arménien et hébreu dans les cafés du bord de mer. Écouter, en 2008, ces vieilles dames m'électrise. Ce n'est donc pas tout à fait fini de ce creuset des langues.

pp. 155-156
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Joachim Sartorius, « Die Prinzeninseln », Hamburg : Mare, 2009
  • Sait Faik Abasiyanik, « Le café du coin », Saint Pourçain-sur-Sioule : Bleu autour (D'un Lieu l'autre), 2013
  • Leonardo Padura, « L'homme qui aimait les chiens », Paris : Métailié, 2011
  • Catherine Pinguet, « Les Îles des Princes : un archipel au large d'Istanbul », Paris : Empreinte-Temps présent, 2013
  • Gustave Schlumberger, « Les Îles des Princes », Paris : Calmann-Lévy (Bibliothèque contemporaine), 1884
  • Jean Van Heijenoort, « De Prinkipo à Coyoacàn : sept ans auprès de Léon Trotsky », Paris : Maurice Nadeau (Les Lettres nouvelles), 1978

mise-à-jour : 1er août 2016
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