Leonardo Sciascia

À chacun son dû

Denoël - & d'Ailleurs

Paris, 2009
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Méditerranée
îles noires

parutions 2009

À chacun son dû / Leonardo Sciascia ; trad. de l'italien par Jacques de Pressac ; nouvelle édition revue et corrigée par Mario Fusco. - Paris : Denoël, 2009. - 155 p. ; 21 cm. - (& d'Ailleurs).
ISBN 978-2-207-25829-3
M. Mosca dit : “ Ces chiens ne lisent plus Voltaire. ” Dans le lexique du café Romeris, chiens signifiait hommes politiques.

p. 135

Précédé par l'envoi d'une lettre anonyme, menaçante mais restée sans effet sur le destinataire, le meurtre de deux notables le jour de l'ouverture de la chasse peine à troubler la quiétude d'une petite ville sicilienne. Plus qu'à chercher le coupable, les biens-pensants s'emploient à évoquer le passé des victimes où pourraient se cacher des faits assez répréhensibles pour avoir provoqué le geste fatal.

Le professeur Laurana, profitant du temps libre que lui laisse sa charge d'enseignant, mène discrètement une enquête parallèle — inutile, si l'on songe qu'il est sans doute le seul à ignorer les raisons du drame, mais dangereuse car la fausse piste qu'il remonte pourrait le conduire aux vrais responsables. Or le professeur Laurana lit Voltaire mais, à la différence de ses concitoyens, ne connaît pas les vertus du silence.

L'intrigue à tiroirs, relatée avec une ironie mordante, éclaire les connivences entre les trois piliers de la société sicilienne de l'époque : “ la mafia, la bourgeoisie et l'Église ”.
EXTRAIT    — « (…) Mais vous, allons donc : en quoi êtes-vous mêlée à cela ?
   — En quoi ? Vous n'avez pas entendu les horreurs qui ont été répandues ?
   — Commérages, dit la vieille Mme Laurana, commérages qu'aucune personne un peu douée d'esprit de charité et de bon sens ne peut prendre en considération. » Et comme elle-même ne brillait pas excessivement par son esprit de charité : « Mais feu votre mari n'a jamais éveillé vos soupçons … ?
   — Jamais, madame, jamais … On a mis dans la bouche de ma femme de chambre une histoire de scène de jalousie que j'aurais faite à mon mari, à propos de cette … De cette jeune fille en somme, la pauvre, qui venait à la pharmacie par nécessité … Et si vous saviez à quel point ma femme de chambre est stupide, à quel point elle est ignorante : elle tremble rien qu'à entendre parler de carabiniers … Ils lui ont fait dire ce qu'ils voulaient … Et ceux-là, les Roscio, les Rosello … Même notre saint homme d'archiprêtre, même lui … Ces gens-là se sont aussitôt mis à raconter que le docteur — paix aussi à son âme — était mort par la faute des vices de mon mari. Comme si nous ne nous connaissions pas tous, comme si nous ne savions pas ici ce qu'il en est de chacun, ce que chacun fait : s'il spécule, s'il vole, si … » Elle mit la main devant sa bouche, comme pour y retenir d'autres réflexions plus cuisantes. Puis avec une malignité calculée elle soupira : « Ce pauvre docteur Roscio, dans quelle famille avait-il été se nicher !
   — Mais il ne me semble pas …, commença Laurana.
   — Nous nous connaissons tous, croyez-moi, l'interrompit Mme Manno. Vous, on le sait, vous ne vous occupez que de vos études, de vos livres …, dit-elle avec un certain mépris. Vous n'avez pas le temps de vous occuper de certaines choses, de voir certaines choses ; mais nous, ajouta-t-elle en s'adressant d'un air entendu à la vieille Mme Laurana, nous, nous savons …
   — Eh oui, nous savons, admit la vieille dame. »

pp. 53-54
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « A ciascuno il suo », Torino : Einaudi (I Coralli, 226), 1966
  • « À chacun son dû » trad. de l'italien par Jacques de Pressac, Paris : Denoël (Les Lettres nouvelles), 1967 ; Gallimard (Folio, 1517), 1983
  • « À chacun son dû » trad. de l'italien par Jacques de Pressac, nlle éd. revue et corrigée par Mario Fusco, in Œuvres complètes (vol. 1) 1956-1971, Paris : Fayard, 1999

mise-à-jour : 16 octobre 2022

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