La guerre de la
noix muscade / Giles Milton ; trad. de l'anglais par Anne-Marie
Hussein avec la coll. de Sylvie Menny. - Montricher : Noir sur
Blanc, 2000. - 367 p. : ill., cartes ; 24 cm.
ISBN 2-88250-094-7
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À la fin du XVIe siècle, les flottes anglaises et hollandaises se lancent dans une véritable chasse au trésor en suivant les mêmes routes maritimes
ponctuées d'îles — Canaries,
Sainte-Hélène, Madagascar, Socotra, les Nicobar, Sumatra,
Java. Au terme de ce périple interminable et
harassant, le nouvel eldorado des armateurs et négociants, les Moluques, une
poignée d'îles où les épices croissaient
à foison, et parmi elles la plus convoitée, la noix muscade.
Les risques encourus étaient à la hauteur des
enjeux :
navigation longue et périlleuse sur des mers mal connues,
piraterie, concurrence acharnée entre puissances hostiles,
conflits avec des
insulaires agressés dont les mœurs n'étaient pas
toujours tendres (cannibalisme), risques naturels (mousson, typhons,
éruptions volcaniques, tremblements de terre, …).
Giles Milton relate cette tumultueuse aventure en s'appuyant largement
sur les témoignages (très souvent inédits) des
principaux acteurs de l'époque, archives des Compagnies des
Indes orientales britannique et néerlandaise, journaux de
navigateurs. Son récit éclaire le contraste entre un
formidable déploiement d'énergie et de compétences
et l'apparente modestie du but visé — ici l'archipel de
Banda : l'île de Run, la plus ardemment convoitée,
mesure 3 kilomètres …
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EXTRAIT |
[Les
îles Banda] sont dominées par le Gunnung Api, un volcan
aux flancs abrupts et au sommet creusé d'un cratère. Au
début du XVIIe siècle, il entra dans la
période la plus active de son histoire, « ne crachant
que cendres, feu et fumée » et faisant
fréquemment éruption avec une telle violence que
« des rocs de trois ou quatre tonnes étaient
projetés sur les autres îles ». Il bombarda en
particulier Neira, l'île voisine, qui, bien qu'elle ne fût
pas la plus grande du groupe, avait été longtemps le
centre du commerce de la muscade. C'était sur son rivage que le
capitaine Garcia, qui commandait une caraque portuguaise, avait
débarqué en 1529 et avait, sans consulter les chefs
indigènes, entrepris de construire un fort. Bien que l'intrus en
eût été chassé, l'île avait
continué à être fréquentée par les
marins et les marchands qui appréciaient son magnifique port
naturel, ancien cratère où des navires biens plus gros
que l'Ascension 1 pouvaient jeter l'ancre en toute sécurité.
À moins de huit cents mètres de Neira se trouvait la
Grande Banda, une île en forme de rognon, « solide et
presque inaccessible, telle une forteresse ». Son
épine dorsale rocailleuse était couverte d'un manteau de
verdure fait presque entièrement de muscadiers, et
« il n'y avait quasiment pas un arbre sur l'île qui ne
portât des fruits ». Ces trésors étaient
jalousement gardés par les habitants de l'île, un peuple
guerrier et agressif qui avait construit un système de
fortifications élaboré le long des côtes
escarpées.
Les deux autres îles, Rozengain et Ai, se trouvaient à
moins d'une heure de navigation de la Grande Banda. Il y avait peu de
muscadiers sur la première qui n'intéressa donc pas le
capitaine Colthurst 2. La côte de la seconde
était si dangereuse que seuls les marins les plus
téméraires osaient y aborder. C'était
néammoins, selon la description d'un contemporain,
« la plus paradisiaque de toutes [car] il n'y avait pas un
arbre sur cette île qui ne fût un muscadier ou un autre
arbre chargé de fruits délicats ; il y avait en
outre plus de nombreuses promenades plaisantes et tout le pays avait
l'air d'un verger planté de différentes
variétés ».
La seule autre île d'importance était Run, un minuscule
atoll isolé dont les falaises et la montagne étaient
couvertes de muscadiers si touffus qu'ils produisaient une tonne et
demie d'épices par an. Mais cette île, située
à plus de deux heures de Neira, était la plus
inaccessible des îles Banda car son petit port était
entouré par un récif submergé qui avait
éventré plus d'un navire.
☐
pp. 109-111
1. | Navire de la British East India Company parti de Londres en février 1601. | 2. | Capitaine de l'Ascension. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Nathaniel's
nutmeg : how one man's courage changed the course of
history », London : Hodder & Stoughton, 1999
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mise-à-jour : 25 octobre 2007 |

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