Titaua Peu

Mutismes

Au Vent des îles

Papeete, 2021
bibliothèque insulaire
   
édité à Tahiti
parutions 2021
Mutismes / Titaua Peu. - Papeete : Au Vent des îles, 2021. - 151 p. ; 21 cm.
ISBN 978-2-36734-385-3
Mū, n.c. tahitien : silence de quelqu’un qui a quelque chose à dire mais qui se tait.
☐ Dictionnaire de l’Académie tahitienne — Fare Vāna’a

NOTE DE L'ÉDITEUR
 : Tabous et non-dits, frustrations et conflits, zones d’ombre et de silences. Autant de maux qui gangrènent la société polynésienne des années 1980 à 2000.

Face aux drames qui bouleversent sa vie, depuis son enfance exposée à la violence du père, jusqu’à l’adolescence marquée par les départs et les arrachements, tandis que des atolls se font souiller par les tirs nucléaires d’une mère patrie dont elle ignore tout, cette jeune fille doute de sa foi en l’humanité. Seule son admiration pour Rori, activiste politique indépendantiste au charisme incontestable, parvient à lui redonner le sourire et à insuffler un sens à sa vie. Mais l’amour ne peut aveugler éperdument : il lui faudra s’exiler à 22 000 kilomètres, sur cette terre française étrangère, pour trouver la force de mettre des mots sur l’indicible. Et tenter de (ré)écrire l’histoire de son pays.

Avec ce roman social et initiatique, Titaua Peu s’attelle à poser des mots sur les silences, à créer de la parole là où elle a été confisquée, oubliée.
       
Véritable “ femme engagée, femme enragée ”, Titaua Peu a été piquée par le besoin d’écrire dès l’adolescence. Étudiante en philosophie à Paris, elle découvre nombre de combats relatés dans les livres, elle y trouve l’inspiration et la force de mener à bien ses propres batailles. Une fois de retour à Tahiti, elle prend la plume pour agir et dénoncer les maux dont souffrent en silence trop d’oubliés, qu’elle tente de diagnostiquer par les mots.

JEAN-MARC TERA'ITUATINI PAMBRUN : […]

Mutismes n'est pas seulement un ouvrage de littérature tahitienne, il est, par le vécu qu'il rapporte, bourré d'amour inexprimable, profondément tahitien. En ce sens, il inspire le aroha — la compassion, et suscite le 'oto — le chagrin.

[…]

Mutismes est un livre qui fait mal parce que Titaua Peu a su trouver les mots pour dire, ou essayer de dire, tout ce qui nous fait mal, alors même, écrit-elle qu' “ on n'a jamais appris à le dire, surtout lorsque ça touche le cœur, les sentiments … ” […] Titaua Peu nous fait entrer dans un autre monde, son et notre monde, comme on entre dans une maison qui devient soudain aussi sacrée qu'un marae. Parce qu'elle est maison de désarroi et d'angoisse.

[…]

L'auteur nous dévoile non pas ce qu'elle sait mais ce qu'elle a pu exprimer d'un Tahiti que les tenants d'une image idyllique se sont toujours ingéniés à ignorer et que les Tahitiens ont toujours eu la pudeur et la dignité de ne pas révéler … jusqu'à Titaua Peu qui casse le mur du silence pour nous parler de l'incapacité de dire et qui, tout en la disant, finit par nous dire, quand elle le peut, ce qu'elle n'avait pas appris à dire. Alors les non-dits s'exhument, les silences résonnent, la communication est rétablie et la pensée est libérée. Alors le mutisme se fait parole, délie ses mots et nous enseigne à réapprendre à dire la souffrance et la faim.

Pour qui veut connaître, ou tout au moins tenter de comprendre la société tahitienne d'aujourd'hui, Mutismes est, à mon avis, le premier ouvrage à lire. Un livre que j'ai eu envie de prendre dans mes bras pour le consoler.

Tahiti Pacifique Magazine, 145, mai 2003 — compte-rendu de la première édition.

EXTRAIT Une heure plus tard, nous accostions à Poutoru. Là, nous avons pris une espèce de transport en commun, un gros Mercédès que les propriétaires avaient, tant bien que mal, aménagé afin qu'il ressemble à un truck. Nous devions être les plus jeunes dans le véhicule. Les autres, de vieilles personnes pour la plupart, étaient allés faire des courses à Raiatea. (…)

Les autres passagers nous avaient saluées. Et, bien que la place fasse cruellement défaut, les hommes choisirent de nous laisser leurs sièges et de se tenir debout, le temps que dura le trajet. Les vieilles dames, majestueuses sous leur chapeau — avec autant de grâce que si elles se rendaient au temple protestant —, nous lançaient des sourires. Elles parlaient exclusivement le tahitien, ou plutôt la langue des îles Sous-le-Vent. Langue qui possédait quelques consonances et variantes typiques, quelques k par-ci, par-là.

Souvent, le “ découvreur ” a dépeint les natifs des îles comme des gens extravertis, tout à fait joyeux, vous hélant sans retenue et vous invitant à partager leur repas. Belle connerie. Moi aussi, quelque part, je les découvrais, et c'est la bienséance qui était de mise. Et même si la curiosité semblait ambiante, les discussions restaient d'abord tout à fait banales, il faisait chaud pour la saison, on s'inquiétait pour nous : sommes-nous bien à l'aise ?

pp. 91-92
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Excerpt from « Mutismes » translated by Kareva Mateata-Allain, in Frank Stewart, Kareva Mateata-Allain and Alexander Dale Mawyer (ed.), Varua tupu : new writing from French Polynesia, Honolulu : University of Hawai'i press (Manoa), 2006
  • « Mutismes », Papeete : Haere po, 2003
  • « Pina », Papeete : Au Vent des îles, 2016

mise-à-jour : 4 mars 2021
Titaua Peu a reçu le Prix Eugène Dabit en 2017 pour son roman Pina.
Titaua Peu : Mutismes (2021)
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