Italo Svevo

Court voyage sentimental, et autres textes

Payot & Rivages - Rivage poche, Petite bibliothèque, 751

Paris, 2012
bibliothèque insulaire
   
Méditerranée
Venise

parutions 2012

Court voyage sentimental, et autres textes / Italo Svevo ; traduit de l'italien et préfacé par Thierry Gillyboeuf. - Paris : Payot & Rivages, 2012. - 231 p. ; 17 cm. - (Rivages poche, Petite bibliothèque, 751).
ISBN 978-2-7436-2360-9
Monsieur Aghios, double transparent de l'auteur 1, se rend en train de Milan à Trieste. Il fait en route une escale de quelques heures à Venise pour y traiter une affaire avec un joailler, ancien camarade d'école qu'il tient pour un pirate moderne (p. 121) et profite de l'occasion pour donner à un jeune compagnon de voyage un bref aperçu de la ville.

Quand le train s'approchait de Venise, monsieur Aghios avait esquissé une philosophie rêvée du voyage : « Voir la campagne, le train et soi-même en même temps. Ce serait cela le vrai voyage » (p. 81). Or la relation qu'il donne de sa brève incursion à Venise offre au lecteur une vision où se mêlent étroitement les aperçus du site qu'il parcourt et les échos que ceux-ci éveillent en lui, souvenirs estompés par le temps ou rappels de connaissances historiques imprécises. Si monsieur Aghios se révèle être un cicérone totalement incapable, l'exercice permet mieux qu'une banale promenade vénitienne. Qui suit et écoute monsieur Aghios, comme le fait Bacis son compagnon d'aventure, tire bénéfice d'un regard dédoublé qui porte au-delà du spectacle immédiat en l'enrichissant des apports de la sensibilité de son guide. Et, comme Bacis avec monsieur Aghios, le lecteur peut croire découvrir Venise en accompagnant Italo Sveno.

Heureuse compagnie qui ménage des rencontres aussi riches qu'inattendues, la moins saisissante n'étant pas celle qui se dérobe, à l'image du Rio Noal — le désir et même l'impossibilité d'y aller l'embellissaient.
       
1. Thierry Gillybœuf, Préface, p. 12.
EXTRAIT    Puis, monsieur Aghios se révéla un cicérone totalement incapable. Il avait été pris d'un vif désir de voir le Rio di Noal, qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs années et, tout au long des rios qu'ils empruntèrent et même quand ils passèrent devant la Salute et Saint-Marc, il continua de parler de ce rio large, tranquille et calme, qui n'avait d'autre ornementation que sa vie paisible, son exigence de beauté.

   « Allons-y ! », proposa Bacis à mi-voix.

   « On ne peut pas », répondit Aghios dans un soupir. « Il est huit heures. Nous perdrons sûrement une demi-heure sur la place. Puis il faudra, avec ce cher Bortolo, plus d'une heure pour arriver à la gare et enfin, il faudra aussi manger quelque chose, parce que la nuit, dans notre train, nous ne trouverons rien jusqu'à Trieste. »

   D'ailleurs, au fond de soi, monsieur Aghios le reconnut : cela n'aurait pas été une bonne chose de revoir le Rio di Noal ce soir-là. Tellement désiré de loin, situé au-dessus de la piazzetta et de la vue sur San Giorgio, il prenait une énorme importance. Le désir et même l'impossibilité d'y aller l'embellissaient.

   Et devant le palais des Doges, monsieur Aghios parla encore de l'unique pont de bois qui existe à Venise, situé lui aussi dans son rio … Puis lui-même s'aperçut qu'il était impossible de continuer de parler du Rio di Noal à quelqu'un qui ne l'avait jamais vu et était en train de contempler l'église de Saint-Marc, avec attention et recueillement.

pp. 117-118
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Corto viaggio sentimentale, e altri racconti inediti » a cura di Umbro Apollonio, Milano : A. Mondadori (La Medusa degli italiani, 40), 1949
  • « Court voyage sentimental, et autres récits » textes choisis et présentés par Mario Fusco, traduits de l'italien par Soula Aghion, Roger Dadoun et Jean-Noël Schifano, Paris : Gallimard, 1978
  • « Court voyage sentimental » traduit de l'italien par Diane Ménard, Paris : Seuil (L'Ecole des lettres), 1995
  • « Corto viaggio sentimentale = Court voyage sentimental » traduit de l'italien par Soula Aghion, Paris : Gallimard (Folio bilingue, 67), 1997
  • « Ulysse est né à Trieste » (conférence sur James Joyce prononcée le 8 mars 1927 à Milan), Bordeaux : Finitude, 2004

mise-à-jour : 28 septembre 2012

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