bibliothèque insulaire

EXTRAIT

Ils descendirent le pont et décidèrent de traverser la place San Marco avant d'aller prendre leur vaporetto. Ils se dirigèrent vers le cœur de ce trésor à ciel ouvert et Griffoni se retourna pour regarder la façade de la basilique. Brunetti s'arrêta près d'elle. “ La première fois que je suis venue à Venise, je devais avoir dix-sept ou dix-huit ans – c'était un voyage scolaire –, et je suis restée une heure sur la place. Je n'arrêtais pas d'en faire le tour pour tout voir. La bibliothèque, les piliers, la basilique, le campanile, encore et encore. Et maintenant, certains jours, je la traverse sans même lui prêter attention. — Cela nous arrive à tous, affirma Brunetti en s'éloignant de la basilique pour emprunter la calle menant à l'arrêt San Marco-Vallareso. — Ma propriétaire – elle est à la retraite, elle doit avoir près de soixante-dix ans – a enseigné en maternelle toute sa vie. Comme elle ne va plus au travail, elle passe ses journées à flâner dans la ville avec son mari. — Est-elle vénitienne ? — Autant que toi. — Simplement pour regarder ? — Oui. Elle m'a dit qu'elle remarque constamment de nouveaux détails. Ils retournent parfois aux endroits qu'ils ont connu dans leur jeunesse. — Est-ce qu'elle se sert d'un guide ? — Non. Je lui ai posé la question. Elle m'a répondu qu'elle se contente de garder les yeux ouverts. Et qu'elle lève toujours la tête. Quand il y a trop de touristes, elle descend à Castello ou elle va vers Santa Marta, ou d'autres quartiers un peu moins fréquentés. Et il ne se passe pas un seul jour sans qu'elle fasse une découverte. — Et ensuite ? — D'après ce que j'ai compris, elle rentre à la maison, prépare le dîner et regarde la télé avec son mari. ” ☐ pp. 245-246