Gauguin & M.
Vásquez Montalbán / Manuel Vásquez Montalbán ;
trad. de l'espagnol par Georges Tyras. - Paris : Flohic,
1991. - 80 p. : ill. ; 32 cm. - (Musées
secrets, 6).
ISBN 2-908958-32-5
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Un durable sentiment de fraternité
attache Manuel Vásquez Montalbán à Paul
Gauguin, à son parcours et à ses œuvres. En 1965
il a publié un premier texte — un poème intitulé
« Gauguin », qu'il dira plus tard, « très
influencé par les schémas de la poésie narrative, précisant
que prétendre s'approprier Gauguin n'avait alors rien
d'aventureux, ni de particulièrement clairvoyant ».
Plus allusivement, Montalbán
revient sur le sujet en 1979 avec Los mares del Sur 1,
un roman policier qui retrace une errance sans espoir dans les
faubourgs de Barcelone. En 1991 enfin, les thèmes du poème
de 1965 sont repris et amplifiés dans un essai qui tente
d'élucider les circonstances et les buts de la « longue
fuite » de Gauguin vers les mers du Sud.
On connait la fidélité
de Montalbán à Barcelone, sa ville natale ; les
deux noms sont intimement liés l'un à l'autre,
non moins que le nom de Gauguin à ceux de Tahiti
et de l'archipel des Marquises. Quelle urgence pousse
donc Montalbán à enquêter sur l'aventure
polynésienne de Gauguin ?
Dès l'ouverture de son
essai, Montalbán fournit un premier indice : « Les
êtres, les animaux autant que les hommes, ne se réalisent
pleinement que dans la fuite, et notre aspiration dernière
est d'atteindre le lieu d'où nous ne voudrions jamais
repartir 2. C'est du moins ce que je croyais
en 1965 ».
Peut-on prendre pour une réponse,
l'aveu des dernières pages (qui introduit, en rappel,
le texte de 1965) : « A titre de mesure hygiénique
de distanciation, tout comme les humains se défendent
des choses qui les menacent en leur donnant un nom, je me suis
défendu de la perversité gauguinienne en enfermant
son voyage dans la réduction expressive d'un poème,
à la fois épitaphe et tentative de résurrection ». 1. | Traduit en français
et publié une première fois sous le titre Marquises,
si vos rivages (Le Sycomore, 1980), et quelques années
plus tard sous le titre Les mers du Sud (10/18, 1988, 1999),
en conformité avec l'original qui renvoie à un
vers d'un poème de Salvatore
Quasimodo, « Piu nessuno mi portera nel Sud »,
« Désormais personne ne m'emmènera
vers le Sud ». | 2. | Inspiré formellement
par une Canción de Federico García
Lorca, le thème revient comme un leitmotiv dans les écrits
de Montalbán ; sa première apparition date
d'un poème écrit en prison en 1963 et publié
en 1970 (Cf. Georges Tyras, « Les îles de béton
des mers du Sud » in Impressions
d'îles, Toulouse : Presses universitaires
du Mirail, 1996). A rapprocher — même en l'évidente
absence d'influence directe — de ce texte de l'anthropologue
australien Greg Dening consacré
aux îles Marquises : « For Te Enata [les
Marquisiens], Te Henua [les îles Marquises] was a world
to itself, bounded by the seas horizons, on the way to nowhere,
at the end of a route that could not be retraced ». |
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EXTRAIT |
Toute l'aspiration de Gauguin
avait été d'atteindre quelque lieu d'où
il n'eut jamais voulu repartir, voyage sans fin en quête
d'un paradis et d'un style, d'une interprétation de la
réalité qui pût traduire cette bonté
congénitale de l'homme, à laquelle croyaient sa
grand-mère, Flora Tristan, et Clovis, qui fut si peu un
père. Cherchait-il ou fuyait-il ? Là réside
le sens énigmatique du voyage, lorsque c'est l'échec
qui le provoque et qu'il a l'échec pour terme, lorsque
c'est en fuyant qu'on démontre le mouvement.
☐ p. 66
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - Manuel Vásquez Montalbán, « La longue fuite :
Paul Gauguin », Paris : Les Flohic (Musées
secrets, 6), 2000
- Paul Gauguin, « Antes y después » trad. de Enric Berenguer, seguido de Gauguin, la larga huida por Manuel Vázquez Montalbán, Sant Cugat del Vallès : Nortesur, 2012
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mise-à-jour : 14 mars 2016 |

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