Apeirogon / Colum McCann ; trad. de
l'anglais
(Irlande) par Clément Baude - Paris : Belfond, 2020. - 509 p. : ill. ; 23 cm.
ISBN 978-2-7144-5008-1
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Ça ne s'arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas.
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p. 169 |
Abir (Palestinienne) et Smadar
(Israélienne), deux jeunes filles nées sur la même
terre ont été tuées d'une balle dans la tête
pour l'une et dans l'explosion d'une bombe pour l'autre
— victimes non d'un des deux camps mais du conflit fratricide 1
qui dresse l'un contre l'autre. Deux crimes inexcusables. Deux
jeunesses empêchées sans raison qui tienne. Deux familles
ravagées sans raison qui tienne.
Mais Rami et Bassam,
pères d'Abir et de Smadar, ont décidé de surmonter
l'indicible souffrance et de forcer, main dans la main, un chemin vers
la paix, au risque de passer pour des traîtres dans leurs camps
respectifs.
Colum
McCann vit aujourd'hui à New York, mais
il est né à Dublin dans une île
déchirée par un conflit fratricide ; il en a mesuré au plus
près les ravages,
a éprouvé les échos qui résonnent d'une terre
à l'autre, de l'Irlande à Israël/Palestine :
“ solidarité des Irlandais avec le peuple
palestinien ” (p. 200) ; “ dans les
années 1980, l'endroit où il se vendait le plus de
drapeaux israéliens — en dehors
d'Israël — était l'Irlande du
Nord ” (p. 205). Enfin Colum McCann a pu constater
l'avancée obtenue dans son île après que les
frères ennemis aient accepté de se parler.
Dans un
ouvrage précédent, Colum McCann condamnait le manque
d'engagement et d'ambition des écrivains de son temps :
“ Nous avons laissé nos voix se
déprécier au bénéfice du confort. Notre
boussole éthique est déréglée. Nous avons
cédé devant la neutralité ” 2. Derrière son titre énigmatique 3, Apeirogon
éclaire un chemin d'espoir et de dignité, aussi exigent
qu'indispensable au droit de vivre en Israël/Palestine
— et à la sauvegarde de notre humanité.
1. |
“ Nous sommes des sémites, tous, Israéliens comme Palestiniens. ” — p. 221 |
2. | “ Lettres à un jeune auteur ” (2018), p. 160 | 3. | “ Apeirogon : une forme possédant un nombre dénombrablement infini de côtés. ” (p. 100) : titre d'une œuvre éclatée en mille-et-un fragments … |
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EXTRAIT |
1001
Il était
une fois, il n'y a pas si longtemps, et pas si loin que ça, Rami
Elhanan, un Israélien, juif, graphiste, mari de Nurit,
père de Guy, d'Elik et de Yigal, père aussi de la
défunte Smadar, fit à moto le trajet entre la banlieue de
Jérusalem et le monastère de Crémisan,
situé dans la ville majoritairement chrétienne de Beit
Jala, près de Bethléem, dans les collines de
Judée, afin d'y retrouver Bassam Aramin, un Palestinien,
musulman, ancien prisonnier, militant, né près
d'Hébron, mari de Salwa, père d'Araab, d'Arin, de
Mohamed, d'Ahmed et de Hiba, père aussi de la défunte
Abir, dix ans, abattue par un garde-frontière israélien
anonyme à Jérusalem-Est, presque dix ans après que
la fille de Rami, Smadar, qui devait fêter ses quatorze ans deux
semaines plus tard, eut été tuée dans la partie
occidentale de la ville par trois kamikazes palestiniens, Bachar
Sawalha, Youssef Shouli et Tawfik Yassine, originaires du village
d'Assira al-Shamaliya, près de Naplouse en Cisjordanie, lieu
mystérieux pour les auditeurs rassemblés à
l'intérieur du monastère en brique rouge perché
à flanc de colline, dans la montagne aux Amis, à
côté des vignobles en terrasses, à l'ombre du Mur,
venus d'aussi loin que Belfast et Kyushu, Paris et la Caroline du Nord,
Santiago et Brooklyn, Copenhague et Terezin, en ce jour banal de la fin
octobre, brumeux, un peu froid, pour écouter les histoires de
Bassam et de Rami, et trouver dans leurs histoires une autre histoire,
un cantique des cantiques, se découvrant — vous et
moi — dans la chapelle en pierre où nous restions
assis des heures, attentifs, désespérés, gais,
troublés, cyniques, complices, silencieux, tandis que nos
souvenirs implosent, que nos synapses déraillent, dans
l'obscurité qui avance, et que nous nous rappelons, en
écoutant, toutes ces histoires qui n'ont pas encore
été racontées.
☐ pp. 257-258 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Apeirogon », New York : Random house, 2020
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- « Le
chant du coyotte », Paris : Marval,
1996 ; Paris : 10/18 (Domaine étranger,
2799), 1998
- « Les
saisons de la nuit », Paris : Belfond,
1998, 2007 ; Paris : 10/18 (Domaine étranger, 3145), 2000
- « La rivière de l'exil »,
Paris : Belfond, 1999 ; Paris : 10/18
(Domaine étranger, 3319), 2001
- « Ailleurs en ce pays »,
Paris : Belfond, 2001 ; Paris : 10/18
(Domaine étranger, 3556), 2003
- « Zoli »,
Paris : Belfond, 2007 ; Paris : 10/18 (Domaine étranger, 4172), 2008
- « Et
que le vaste monde poursuive sa course folle »,
Paris : Belfond, 2009 ; Paris : 10/18 (Domaine étranger, 4397), 2010
- « Transatlantic »,
Paris : Belfond, 2013 ; Paris : 10/18 (Domaine étranger,
4828), 2014
- « Treize
façons de voir », Paris :
Belfond, 2016
- « Lettres à un jeune auteur »,
Paris : Belfond,
2018
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site internet de Colum McCann |
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mise-à-jour : 13 octobre 2020 |
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