Flann O'Brien

Le pleure-misère, ou la triste histoire d'une vie de chien

Éd. Ombres - Petite bibliothèque, 42

Toulouse, 1994

bibliothèque insulaire
   
Irlande
Le pleure-misère, ou la triste histoire d'une vie de chien / Flann O'Brien ; trad. de l'irlandais par André Verrier et Alain Le Berre. - Toulouse : Ombres, 1994. - 148 p. ; 17 cm. - (Petite bibliothèque, 42).
ISBN 2-84142-004-3

AVERTISSEMENT DES TRADUCTEURS : Ce récit fut écrit et publié en 1941. À ce moment de sa vie, Brian O'Nolan (1911-1966), alias Flann O'Brien […] venait d'écire en anglais deux romans : At Swim-Two-Birds, édité sans grand succès en 1939 et The third policeman terminé en 1940, refusé par les éditeurs et publié après la mort de l'auteur. En revanche, An Béal Bocht (Le pleure-misère) connut un succès immédiat dans les milieux gaélisants, c'est-à-dire, belle ironie du sort, auprès de ceux-là mêmes que Flann O'Brien caricaturait avec cruauté. Beaucoup considèrent cette œuvre comme la meilleure de sa production.

Le titre vient d'un irlandisme, an béal bocht a dhéanamh (littéralement : faire la pauvre bouche), qui signifie crier famine, pleurer misère dans le but d'éviter les sollicitations des amis et des créanciers. C'est le seul roman que Flann O'Brien ait écrit en irlandais. Il semble que, dans un deuxième temps, il en ait fait une traduction anglaise parodique et, dans un troisième, une rétroversion irlandaise parodique elle aussi. C'est donc ce troisième état du texte qu'il aurait envoyé à son éditeur. Quoiqu'il en soit, il y déploie une maîtrise de la langue qui, d'une part, acère la vision satirique de ses attaques contre les celtomanes et leur littérature folklorique (dont le fameux Vingt ans de jeunesse, de Maurice O'Sullivan, traduit naguère de l'anglais par Raymond Queneau), mais qui, d'autre part, accroît les difficultés techniques de la traduction.

[…]

Quant aux clichés et aux expressions toutes faites dont use abondamment O'Brien dans sa parodie, on les reconnaîtra tout de suite dès les premières pages. Leur répétition tout au long du livre contribue à la saveur du texte original que nous avons toujours cherché à serrer du plus près possible, sans éviter ses allusions, ses obscurités, ses maladresses feintes, ses rugosités voulues, car O'Brien crée ici un irlandais plus rustique que nature.

[…]

Le point de vue de l'auteur est toujours celui d'un poète plus que celui d'un moraliste. S'il fustige ses personnages qui volent, tuent, forniquent et s'enivrent, à aucun moment il ne les condamne. C'est avec candeur, avec cette permanence de l'émotion positive et de l'émerveillement dont parle Pierre-Jean Jouve qu'il constate l'horreur du familier et l'évidence de l'inattendu dans sa vision d'une réalité sordide qu'il transfigure par la charge, au moyen d'une écriture qui transforme parallèlement la langue.

[…]

pp. 9-10

INCIPIT

   J'ai noté les choses qui sont dans cet écrit parce que la vie future approche vite — que la chose maudite reste loin de nous et que le diable ne me regarde pas comme un frère ! — et aussi parce que jamais on ne reverra nos pareils. Il est juste et bon de fournir un témoignage sur les diversions et les aventures de notre époque, car jamais plus on ne verra en Irlande de types comme nous, ni une vie comparable à celle qui fut la nôtre et qui n'existe déjà plus.

   O'Coonassa est mon nom gaélique, Bonaparte mon prénom, et mon pays natal, c'est l'Irlande. Je ne me souviens pas exactement du jour où je suis né, ni d'un seul moment des six premiers mois que j'ai passés au monde, mais il ne fait pas de doute qu'à cette époque j'étais en vie, bien que je n'en garde aucun souvenir, car je n'existerais pas aujourd'hui si alors je ne m'étais pas trouvé là ; à tout être humain, ainsi qu'à toute créature vivante, le jugement vient peu à peu.

p. 17

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « An Béal Bocht, no an Milléanach », Dublin : The Dolmen press Ltd., 1941
  • « The poor mouth, a bad story about the hard life » translated by Patrick C. Power , London : Hart-Davis, MacGibbon Ltd., 1973
  • « Le pleure-misère, ou la triste histoire d'une vie de chien » trad. de l'irlandais par André Verrier et Alain Le Berre, Paris : Le Tout sur le tout, 1984
  • « Une vie de chien », Paris : Gallimard (Du monde entier), 1972
  • « Dublinoiseries »,  Paris : Jean-Cyrille Godefroy, 1983 ; « The best of Myles », Paris : Les Belles lettres, 2011
  • « Swim-Two-Birds », Paris : Les Belles lettres, 2002
  • « Le troisième policier », Paris : Phébus (Libretto, 129), 2003
  • « L'archiviste de Dublin », Paris : Phébus (Libretto, 164), 2004
  • « Faustus Kelly [suivi de] La soif », Marseille : Vagabonde, 2011
  • « Romans et chroniques dublinoises », Paris : Les Belles lettres, 2015
  • Monique Gallagher, « Flann O'Brien, Myles na Gopaleen et les autres : masques et humeurs de Brian O'Nolan, fou-littéraire irlandais », Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 1998
  • Thierry Robin, « Flann O'Brien : un voyageur au bout du langage », Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2016

mise-à-jour : 21 novembre 2017

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