Avec ce livre où le lecteur pressé pourrait ne voir qu'une nouvelle tentative pour accréditer l'existence de Mu, le continent mythique, il faut tendre l'oreille et accueillir sans préjugé les voix de la mythologie polynésienne.

Charles Manu-Tahi puise aux meilleures sources : Teuira Henry, entre autres ; il s'est mis à l'écoute de ceux par qui la tradition reste vivante, tels Kaivero Marama a Tehau, grand connaisseur des Tuamotu et de leur langue ; mieux encore, le texte cite un manuscrit « Puta Tumu », recueil généalogique appartenant à la famille de l'auteur, originaire des îles Tuamotu, un de ces textes jalousement gardés où l'origine des filiations mêlait inextricablement hommes et dieux.

Pivot de ce recueil inclassable, une représentation de l'univers maohi dessinée vers 1870 par Paiore, descendant d'une lignée de chefs de Raroia (est des Tuamotu) ; « émigré » dans l'ouest, à Anaa, Paiore a remis ce dessin à Xavier François Caillet, un officier de marine. Le commentaire accompagnant le dessin a été transcrit par Teuira Henry dans « Tahiti aux temps anciens » et, depuis, commentaires et tentatives d'explication n'ont jamais cessé. Charles Manu-Tahi propose sa propre lecture, et ses interrogations, une occasion qui lui permet de faire revivre la Polynésie d'autrefois — de toujours ? — bruissante des faits et gestes de Taaroa, Hina, Maui …

RAYMOND VAN BASTOLAER : Comme par enchantement on est projeté dans l'univers et on devient spectateur du combat des dieux qui n'est peut être que le reflet du conflit des humains. Un dieu se trouve ici créateur de l'univers et père de tous les dieux, et quelques îles plus loin, il n'est plus que le dieu de l'enfer. Malgré tout, on devine derrière Taaroa, Atea et Raa, un même et unique dieu : HAUE, l'Admirable, celui qui est au delà de tout.

Ces pages qui, pendant un moment nous avaient permis de nous mêler aux dieux de nos ancêtres, nous font redécouvrir finalement toute la valeur de notre ici et maintenant, en ce sens qu'il n'y a pas de véritable grandeur, de véritable dépassement de soi, qui ne soit d'abord prise de conscience et acceptation de soi.

Nous avons vraiment encore beaucoup de choses à apprendre de notre culture …

☐ Préface, p. 6