Federico de Roberto

Les princes de Francalanza, trad. de l'italien par Henriette Valot ; introduction de Marcel Brion ; préface de Georges Piroué

Denoël

Paris, 1979

bibliothèque insulaire
   
Méditerranée
Les princes de Francalanza / Federico de Roberto ; trad. par Henriette Valot ; introduction de Marcel Brion ; préface de Georges Piroué. - Paris : Denoël, 1979. - XVIII-613 p. ; 22 cm.
ISBN 2-207-22550-X

GEORGES PIROUÉ : […]

Le fait que la Sicile soit une île aussi bien qu'un lieu de convergence au centre d'une mer intérieure explique une partie de son destin. La botte italienne, d'une part, la rejette d'un coup de pied vers la primitive Afrique. Insulaire et caniculaire, elle n'a pas le même âge que le pays auquel elle appartient depuis une centaine d'années. Mais d'autre part, au cours des siècles, tous les riverains de la Méditerranée ont un jour foulé ses plages : Athéniens, Carthaginois, Romains, Arabes, Normands, Angevins, Espagnols et pour finir ces Piémontais qui n'y sont pas plus chez eux que ceux qui les ont précédés. La marquant de leurs empreintes et s'insinuant dans son sang, ces conquérants, en se succédant, ont perpétué un asservissement sans fin et multiplié les motifs d'insurrection. Si bien que, volcanique et sédimentaire, la Sicile meurt étouffée sous de multiples survivances et ne revit de loin en loin qu'au prix de brusques accès de fièvre. Telle est la substance humaine permanente et instable qu'avant tant d'autres Siciliens — Pirandello, Lampedusa, Leonardo Sciascia — De Roberto évoque et brasse en racontant la biographie des Uzeda, princes de Francalanza, descendants des vices-rois d'Espagne, « sale graine de pillards » mâtinés de Grecs et de Sarrasins qui, voici déjà plusieurs siècles se sont abattus sur l'île et qu'aucun bouleversement politique n'arrive jamais à chasser.

Cette évocation, De Roberto ne s'y livre pas en poète lyrique ou épique ni en sceptique revenu de tout. Car ici intervient l'évènement du rattachement de la Sicile à l'Italie (1860) qui, en même temps qu'il sert de toile de fond aux Princes de Francalanza, détermine chez le romancier une attitude morale précise. Une ère nouvelle vient de s'ouvrir. L'Italie moderne est née. Il importe de recenser les ressources dont elle dispose ou plutôt de constater de quels vices profonds elle souffre, qu'un long passé d'occupation étrangère lui a légués. […] De sorte que loin d'être une rêverie de tonalité romantique sur la grandeur et la décadence d'une illustre lignée, Les Princes de Francalanza sont une étude de mœurs qui ne dépasse pas son provincialisme par le recours à une quelconque sagesse résignée ou vaguement cynique — comme dans Le Guépard de Lampedusa — mais par un souci de vérité qui nous restitue aussi bien l'insularisme exotique et anachronique de la Sicile que le comportement éternel et universel d'un groupe humain examiné selon les méthodes de la connaissance objective.

[…]

Préface, pp. VII-VIII
       
Né à Naples en 1861, Federico De Roberto est mort en 1927 à Catane où il résidait et où il a vécu une relation contrariée avec l'aristocratie locale.
EXTRAIT

Au début de l'hiver, le retour du prince, en compagnie de son oncle le duc, de sa femme et de sa fille suscita un regain de curiosité. L'impatience était grande de voir de ses propres yeux cette jeune princesse dont on portait aux nues la beauté. Il fallut bien convenir, malgré toute la méfiance avec laquelle on accueillait les hyperboles anticipées, que la réalité dépassait toute imagination. La beauté blanche et blonde, délicate et vaporeuse de la jeune fille était sans précédent chez les vice-rois, car cette vieille race espagnole, en se mêlant à des éléments insulaires mi-grecs, mi-sarrasins, avait peu à peu perdu sa pureté et sa noblesse. Quelle différence existait-il, par exemple, entre un dom Blasco et n'importe quel frocard issu de travailleurs de la glèbe, ou entre donna Ferdinanda et une vieille fileuse quelconque ? Pourtant, à la génération précédente, le comte Raimondo faisait exception à la règle et voici que Teresa semblait venir directement d'une vieille cellule intacte du sang castillan le plus pur. Grande, les épaules étroites, une taille qu'elle prenait presque dans ses mains et dont la sveltesse accusait la courbe des hanches, Teresa avait une élégance naturelle, un port noble et charmant qui perçait même sous la gaucherie de la collégienne engoncée si longtemps dans un uniforme disgracieux.

p. 432

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « I Viceré », Milan : Casa editrice Galli di C. Chiesa e F. Guindani, 1894
  • « I Viceré », Milan : Garzanti, 1946
  • « Les Vice-rois » trad. par Henriette Valot, Paris : Club bibliophile de France (La Comédie universelle, 17), 1956
  • « Les Princes de Francalanza » trad. par Nathalie Bauer, Paris : Stock (La Cosmopolite), 2007 ; Paris : Points (P1918), 2008
  • Julie Dashwood and Margherita Ganeri (ed.), « The risorgimento of Federico De Roberto », Oxford, Bern, … : Peter Lang (Italian modernities, 2), 2009
  • Aurélie Gendrat-Claudel (éd.), « Federico De Roberto : le deuil des illusions », Paris : L'Âge d'homme (Etudes italiennes, n.s., 57, 3-4, juillet-décembre 2011), 2012
  • Michela Toppano, « Federico De Roberto : la folie de la vie et l'ordre de l'écriture », Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence (Textuelles, Univers littéraires), 2012
→ Michela Toppano, « Les fondements sociaux des visions critiques du Risorgimento : le cas de Federico De Roberto », Italies, 15, 2011, pp. 81-94 [en ligne]

mise-à-jour : 17 mai 2019

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