Giuseppe Tomasi di Lampedusa

Le Guépard, trad. par Fanette Pézard, préface de Giorgio Bassani

Éd. du Seuil

Paris, 1980
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Le Guépard / Giuseppe Tomasi di Lampedusa ; trad. de l'italien par Fanette Pézard ; préface de Giorgio Bassani. - Paris : Seuil, 1980. - 248 p. ; 18 cm. - (Points roman, R3).
ISBN 2-02-005412-4

GIORGIO BASSANI : […] Comme dans les Vice-Rois, de Federico De Roberto, le roman met en scène une famille de la haute aristocratie [sicilienne], au moment révélateur du changement de régime, tandis que déferlent les temps nouveaux. Mais si la matière du Guépard rappelle nettement celle du grand livre de De Roberto, la personnalité de [Lampedusa], sa position vis-à-vis de son sujet, sont essentiellement différents. Aucun résidu de prétentions documentaires, d'objectivité naturaliste chez Tomasi di Lampedusa. Centré presque entièrement sur un seul personnage, le prince Fabrice Salina, où il faut certes reconnaître le portrait d'un arrière grand-père paternel, mais peut-être plus encore un autoportrait à la fois lyrique et critique, le Guépard concède très peu, et non sans sourire, à la trame, à l'intrigue, au romanesque, si chers aux écrivains européens du XIXe siècle. En somme, plus qu'à De Roberto, Tomasi di Lampedusa s'apparenterait à son contemporain Brancati ou aux grands écrivains anglais de la première moitié du siècle (Forster par exemple) qui lui étaient certainement familiers : c'étaient comme lui des poètes lyriques et des essayistes, plutôt que des narrateurs « de race ».

[…]

Qu'on lise donc d'un bout à l'autre ce roman, avec l'abandon qu'exige la vraie poésie. Le vaste public des lecteurs aura, comme autrefois, le temps de s'éprendre ingénuement de ces personnages de conte sous lesquels se cache l'auteur, à la façon des poètes passés ; de ces personnages si attachants : le prince Fabrice Salina, Tancrède Falconeri, Angélique Sedara, Concetta et tous les autres, sans oublier le pauvre chien Bendicó.

Préface, pp. 12-13

EXTRAIT

[…] la Sicile, l'atmosphère, le climat, le paysage siciliens. Ce sont ces forces-là qui ont forgé notre âme, au même titre et plus peut-être que les dominations étrangères et les stupres incongrus : ce paysage qui ignore le juste milieu entre la mollesse lascive et la sécheresse infernale ; qui n'est jamais mesquin, banal, prolixe, comme il convient au séjour d'êtres rationnels ; ce pays qui à quelques milles de distance étale l'horreur de Randazzo et la beauté de Taormine ; ce climat qui nous inflige six mois de fièvre à 40 degrés […] mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, six fois trente jours de soleil vertical sur nos têtes, cet été long et sombre comme un hiver russe, encore plus dur à supporter […] on peut dire que chez nous il neige du feu, comme sur les villes maudites de la Bible. Durant ces mois-là, un Sicilien qui travaillerait sérieusement dépenserait l'énergie nécessaire à trois personnes. Et puis l'eau, l'eau introuvable, ou qu'il faut transporter de si loin que chaque goutte d'eau se paye par une goutte de sueur. Et puis les pluies, toujours impétueuses, qui rendent fous les torrents desséchés, qui noient bêtes et gens là où, deux semaines plus tôt, les unes et les autres crevaient de soif. Cette violence du paysage, cette cruauté du climat, cette tension perpétuelle de tout ce que l'on voit, ces monuments du passé, magnifiques mais incompréhensibles, parce qu'ils sont construits par d'autres et se dressent autour de nous comme des fantômes grandioses et muets ; tout ces gouvernements débarquant en armes d'on ne sait où, immédiatement servis et détestés, toujours incompris, ne se manifestant que par des œuvres d'art énigmatiques pour nous et par des impôts qui vont grossir ailleurs des caisses étrangères ; tout cela, oui, tout cela a formé notre caractère, qui reste ainsi conditionné par les fatalités extérieures autant que par une terrifiante insularité.

pp. 165-166

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Il Gattopardo » a cura di Giorgio Bassani, Milan : Feltrinelli, 1958
  • « Il Gattopardo » a cura di Carlo Muscetta (edizione conforme al manoscritto del 1957), Milan : Feltrinelli, 1969
  • « Il Gattopardo » a cura di Gioacchino Lanza Tomasi (nuova edizione riveduta), Milan : Feltrinelli, 2002
  • « Le Guépard » trad. par Fanette Pézard, préface de Giorgio Bassani, Paris : Seuil, 1959
  • « Le Guépard » trad. par Fanette Pézard, préface de Vincenzo Consolo, Paris : Seuil (Points, 260), 1996, 2006
  • « Le Guépard » (nouvelle éd. et postface de Gioacchino Lanza Tomasi) trad. par Jean-Paul Manganaro, Paris : Seuil, 2007 ; Paris : Points (Points, 4492), 2017
  • Francesco Orlando, « Un souvenir de Lampedusa [suivi de] A distances multiples », Paris : L'Inventaire, 1996
  • Francesco Orlando, « L'intimité et l'histoire : une lecture du Guépard », Paris : Classiques Garnier (Théorie de la littérature, 8), 2014
  • Philippe Godoy, « Le Guépard ou la fresque de la fin d'un monde », Paris : L'Harmattan (Classiques pour demain), 2009

mise-à-jour : 8 octobre 2019

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