Maddalena Rodriguez-Antoniotti

Bleu Conrad : le destin méditerranéen de Joseph Conrad

Albiana

Ajaccio, 2007
bibliothèque insulaire
   
Méditerranée

parutions 2007

10ème édition du Prix du Livre Insulaire (Ouessant 2008)
ouvrage en compétition
Bleu Conrad : le destin méditerranéen de Joseph Conrad / Maddalena Rodriguez-Antoniotti ; préface de Kenneth White. - Ajaccio : Albiana, 2007. - 248 p. : ill. ; 24 cm.
ISBN 978-2-84698-198-9
C'est tout l'itinéraire complexe de l'écrivain hors pair, du rôdeur de l'esprit que fut Joseph Conrad, et tout le champ frémissant qui s'en dégage, que le lecteur trouvera dans ce beau livre.

Kenneth White, Préface, p. 15

NOTE DE L'ÉDITEUR
 : À soixante-trois ans, trois ans avant sa mort et au faîte de sa renommée, Joseph Conrad entreprend, depuis l'Angleterre, un voyage de plusieurs semaines en Corse. Un vieux rêve, une obsession. Pourquoi ?
Ultime résonance d'un destin, la traversée Marseille-Ajaccio et les étapes du séjour permettent la résolution de « l'énigme ». Tandis qu'au travers de son regard étranger, s'esquisse un état des lieux de l'île en 1921, tout à la fois poétique et politique.

Dans cet essai qui flirte avec le récit, Maddalena Rodriguez-Antoniotti pénètre dans la vie secrète d'un écrivain dont toute l'œuvre visionnaire pose une question essentielle : comment rester humain en ce monde ? A travers filiations et filatures, l'auteure bouleverse l'ordre biographique du Polonais d'Angleterre pour héler l'autre Conrad. Le Méditerranéen. Né à lui-même à Marseille, dans sa volonté de devenir marin, et initié à la mer, à dix-sept ans, par la souveraine amitié d'un marin du Cap Corse.
S'il n'opposait pas son navire et son audace aux Dieux-eux-mêmes, c'était uniquement parce que les Dieux olympiens sont morts. Aucune femme assurément n'eût pu l'effrayer. Un géant à l'œil unique n'aurait pas eu une ombre de chance contre Dominic Cervoni, de Corse, non d'Ithaque : et non pas roi, fils de rois, mais issu d'une très respectable famille.

Joseph Conrad, Le Tremolino

En février 1921, Joseph Conrad âgé de soixante-trois ans quitte Marseille à bord de l'Iberia pour une ultime escale insulaire — il a choisi la Corse et y séjournera près de dix semaines. L'appel du sud, de la mer et des îles ont pesé dans le décision du voyage ; mais Conrad tenait surtout à s'approcher une dernière fois de son ami Dumenicu Cervoni qui reposait depuis déjà trente ans dans le cimetière de Luri au Cap-Corse.

Tribut de l'amitié envers une figure qui dans le souvenir ne pouvait se mesurer qu'à celle d'Ulysse, le geste de Conrad allait de pair avec un retour au temps insouciant des premiers départs et des premiers contacts avec la mer. En effet, c'est à Dumenicu Cervoni que Conrad doit son initiation à la Méditerranée, à l'art de naviguer, au monde des îles pressenti derrière l'horizon. Maddalena Rodriguez-Antoniotti retrace l'histoire de ce compagnonnage noué à Marseille en 1876, consolidé et enrichi durant deux voyages aux Antilles ; plus tard, les qualités de l'ami corse — “ son audace, sa sagesse, son mépris des lois étroites ” (G. Jean-Aubry) — se reflèteront dans l'œuvre, jusqu'à éclairer la silhouette de Jean Peyrol, The Rover (1923) : le Frère-de-la-Côte, le Flibustier ou le Forban selon les traductions, le “ rôdeur ” pour reprendre la suggestion de Kenneth White (Préface, p. 15).

En évoquant ce parcours, Bleu Conrad célèbre dans un même mouvement la mer, la Corse, l'amitié et l'aventure — “ une idylle majestueuse et définitive ” (p. 238).
EXTRAIT
Adieu horizons infinis comme l'espoir, adieu crépuscules tombant sur des forêts solennelles comme des temples, au milieu de la quête brûlante du Pays où l'on n'arrive jamais, sur une autre colline, de l'autre côté du fleuve, outre les vagues. À l'horloge sonnait l'heure du Jamais plus ! No more !

Joseph Conrad, Lord Jim

Après le grand coup de libecciu de ces dernières heures, la mer est belle aujourd'hui, le ciel dégagé et le vapeur vogue sans heurt vers Nice. Toujours en manque, toujours démuni, Conrad cherche une cigarette. Son long séjour insulaire s'achève. Dans le ruissellement de la lumière du printemps, entre deux gerbes d'écume, parmi les espadons bleus. “ Le voyage en Corse a été très agréable ”, écrit-il succintement à l'ami Gide, en passant sous silence le retour vertigineux de la conscience. Marquant la distance entre deux îles. Entre l'Angleterre où il s'est échoué et qu'il conquiert de sa plume d'écrivain, et, la Corse que, marin, il a cru perdre et dont l'odeur est à présent en lui. Le corps en exil au plus loin de ses origines, ses pensées s'entêtent à tanguer dans les remous de la “ vieille mer de magiciens, de marchands d'esclaves, d'exilés et de guerriers, mer de légendes et de terreurs, où les marins de l'antiquité la plus reculée avaient coutume d'entendre le spectre inapaisé d'un vieil errant pleurer tout haut dans le noir. ” Face à la fatalité d'une séparation, à ce trou dans le cœur, esquisserait-il implicitement une auto-analyse comme si, vivre, c'était “ s'obstiner à achever un souvenir ” ?

p. 231
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Joseph Conrad, « Le Tremolino », in Le miroir de la mer (souvenirs et impressions), trad. de G. Jean-Aubry, Paris : Gallimard, 1946 ; Paris : Sillage, 2005 ; Le miroir de la mer, trad. de Pierre et Yane Lefranc, Paris : Gallimard (Folio classique, 4760), 2008
  • Joseph Conrad, « L'anarchiste », in Quintette, Paris : Librairie générale française (Le Livre de poche-Biblio, 68), 1989
  • Joseph Conrad, « Le compagnon secret / The secret sharer », Paris : Gallimard (Folio bilingue, 127), 2005
  • Joseph Conrad, « Jeunesse », Paris : Gallimard (Folio, 3743), 2002
  • Joseph Conrad, « Karain : un souvenir », Paris : Autrement, 1996
  • Joseph Conrad, « Victoire », Paris : Autrement, 1996
  • Joseph Conrad, « La folie Almayer », Paris : Autrement, 2021
  • Joseph Conrad, « Lord Jim », Paris : Librairie générale française (Le Livre de poche - Biblio, 3437), 2007
  • Jean-Pierre Le Dantec, « Île Grande », Brest : Dialogues, 2012
  • Josiane Paccaud-Huguet et Claude Maisonnat (dir.), « Joseph Conrad », Paris : L'Herne (Cahiers, 109), 2014
  • Maya Jasanoff, « Le monde selon Joseph Conrad », Paris : Albin Miche, 2020

mise-à-jour : 10 décembre 2021

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