Abilio Estevez et Jean-Pierre Favreau

Rue Caraïbes

En vues - Impression de voyage, 3

Indre, 1999

bibliothèque insulaire

   
Cuba
parutions 1999
1ère édition du Prix du Livre Insulaire (Ouessant 1999)
ouvrage en compétition
Rue Caraïbes / texte d'Abilio Estévez ; photographies de Jean-Pierre Favreau. - Indre : En vues, 1999. - 103 p. : ill. ; 26 cm. - (Impression de voyage, 3).
ISBN 2-911966-12-0

L'intérêt de ce recueil ne tient pas seulement aux photos de Jean-Pierre Favreau ou au texte d'Abilio Estévez. Mieux que se compléter ou s'expliquer, ces deux composantes du livre s'enrichissent tant elles sont différentes, par les supports d'expression et, surtout, par les points de vue des deux auteurs — l'un autochtone, l'autre visiteur.

Abilio Estévez, est originaire de Cuba : « Je suis né à La Havane et je n'ai jamais vécu ailleurs. Je n'ai jamais connu l'émotion du provincial qui " monte " à la grande ville. Cependant, depuis que j'ai eu l'âge de raison comme on dit, La Havane a été pour moi un espace lointain, un territoire qui, en quelque sorte, ne m'appartenait pas, un endroit d'où je venais et où j'allais, mais qui n'était pas  celui où j'étais vraiment. Je suis né et j'ai toujours vécu au-delà du rio Almenderes, à Marianao, c'est-à-dire dans les faubourgs. Quand ma mère disait  " La Havane ", il me semblait qu'elle parlait d'un endroit lointain, aux limites imprécises ».

Le regard de Jean-Pierre Favreau sur La Havane est radicalement différent : « Dans les rues de La Havane, j'ai poursuivi mon travail sur l'homme et sur la ville. Si une certaine tristesse plane sur ces images elle émane davantage de mon regard que de la ville elle-même. J'ai aimé La Havane et le peuple qu'elle abrite ».

De cette rencontre naît une image prenante, aux reliefs marqués.

EXTRAIT

Ici, la véritable terre promise a toujours été la mer. La Havane regarde la mer comme si elle ne renfermait pas seulement le danger mais aussi l'espoir. La mer est en effet un espoir dangereux. Peu importe que, jour après jour, elle ronge les maisons, qu'elle se déchaîne à la saison des cyclones, qu'elle se jette désespérément par dessus le mur de Malecón, qu'elle pénètre et détruise les parties basses de la ville. La mer est une promesse, ou plutôt une croyance. La menace tout comme le salut vient de la mer. Il y a quelques années, des milliers de Havanais partirent à l'aventure au hasard de la mer sur des radeaux remarquables par leur précarité. À Cojimar, à La Puntilla, dans ce même Maleón on les vit lever l'ancre (je ne sais pas si lever l'ancre est le mot juste) sur des planches fixées à des pneus de camions. Ils partaient, bien sûr à demi-nus et heureux. Bien sûr, on les entendit chanter. Ils avaient de rares moments de faiblesse quand il fallait dire adieu aux familles restées sur la rive, ces familles qui restaient accrochées à « un ennui, désolé par les cruels espoirs, croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs », comme disait Mallarmé. Les radeaux partaient ensuite vers l'horizon et ceux qui s'en allaient avec eux ne regardaient plus en arrière (écoutez un conseil : quand vous partez, ne regardez pas en arrière ; souvenez-vous toujours de l'exemple de la femme de Loth).

Abilio Estévez, La Havane, cette hallucination, p. 19

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Abilio Estévez, « Ce royaume t'appartient », Grasset, Bourgois, Paris, 1999
  • Abilio Estévez, « Palais lointains », Paris : Grasset, 2004
  • Abilio Estévez, « Le navigateur endormi », Paris : Grasset, 2010
  • Abilio Estévez, « Le danseur russe de Monte-Carlo », Paris : Grasset, 2012
  • Abilio Estévez, « L'année du calypso », Paris : Grasset, 2014
  • Jean-Pierre Favreau, « Blues outremer », Paris : Contrejour, 1991

mise-à-jour : 22 septembre 2012

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