Robinson
des mers du sud : six ans sur une île déserte / Tom
Neale ; trad. de René Corpel ; préface de
Jean-Luc Coatalem. - Paris : La Table ronde, 2009. -
347 p. ; 18 cm. - (La Petite Vermillon, 324).
ISBN 978-2-7103-3132-2
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NOTE DE L'AUTEUR : Voici le récit des six
années que j'ai passées seul, en deux séjours,
sur une île de corail inhabitée du Pacifique sud.
Elle mesure huit cents mètres de long sur trois cents
mètres de large et se situe à deux cents milles
de l'île habitée la plus proche. La première
fois, j'arrivai là-bas le 7 octobre 1952 et j'y restai,
seul (n'ayant vu que deux yachts de passage), jusqu'au 24 juin
1954, date à laquelle je fus ramené malade après
un sauvetage dramatique.
Je ne pus retourner sur l'atoll
avant le 23 avril 1960, et, cette fois, j'y séjournai
seul jusqu'au 27 décembre 1963.
☐ p. 13 |
En route vers les Samoa, Robert Louis et Fanny Stevenson
avaient fait escale sur l'atoll de Suvarov dans les îles
Cook ; sensible à l'aura des lieux, Fanny
avait alors noté dans son journal : « On
a le sentiment que des évènements sensationnels
s'y sont déroulés et qu'elle doit avoir une histoire
échevelée et romantique » 1.
Mais le plus remarquable dans l'histoire de Suvarov restait à
venir.
Quelques
décennies plus tard, l'aventure de Tom Neale ne peut être
réduite à une banale robinsonnade. Fasciné par les
récits de Robert Dean Frisbie 2 qui avait séjourné
près d'un an à Suvarov avec ses enfants, Tom Neale
choisit l'atoll pour y vivre seul
— d'octobre 1952 à juin 1954, d'avril 1960 à
décembre 1963 et de juin 1969 jusqu'à son retour
forcé à Rarotonga où il meurt le 27 novembre 1977. Le
récit qu'il donne de cette rare expérience (où ne
sont relatés que les deux premiers séjours) évoque
un rêve vécu au jour le jour, à force de
ténacité, d'endurance et de foi. Bernard Moitessier 3,
qui connaissait Tom Neale et
« son île », a donné la juste
mesure du projet : « Je ne
sais pas quelles étaient les questions de Tom, il parlait
peu, même à ceux qu'il aimait bien. Mais, quand
je suis revenu pour la cinquième fois, j'ai vu que Souvarof
était devenu un atoll magique. Là, très
simplement, avec ses mains, sa conscience et son courage, avec
sa pelle magique et sa machette magique, avec sa sueur et son
amour, un homme avait participé à la création
du monde … ». 1. | Fanny Stevenson, « La croisière de la Janet Nichol », Paris : Payot, 1994. | 2. | Pendant
près de 30 ans, Robert Dean Frisbie (1896-1948) a vécu
dans le Pacifique — à Tahiti puis aux îles Cook et
aux Samoa ; il a relaté son séjour à Suvarov
dans The island of desire (New York, 1944). | 3. | L'épilogue de
Bernad Moitessier qui figure dans les éditions Arthaud de 1983
et 1999 n'est pas repris dans l'édition La Table ronde de 2009. |
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EXTRAIT |
Un jour, je découvris qu'un navire avait dû
récemment passer tout près de l'île. La vue d'une
noix de coco verte gisant parmi les pierres de Brushwood Islet
était suffisamment éloquente. En la ramassant, je
remarquai qu'une extrémité avait été
tranchée — la mauvaise extrémité, celle
où se trouvent les yeux.
« C'est sans doute là le travail de quelque popaa »,
me dis-je, utilisant le mot polynésien pour désigner un
Européen. Aucun autochtone n'ouvrait une noix de coco du
côté des yeux, où l'écorce est la plus
épaisse. J'observai aussi que le travail avait été
fait à l'aide d'un couteau émoussé.
Ouvrant la noix, je constatai qu'il y restait encore de la chaire
blanche et propre. Elle n'avait pu séjourner dans l'eau plus de
quelques jours et sans doute l'avait-on jetée d'un bateau
passant tout près.
« Pourquoi
n'ont-ils pas relâché ici ? », me
demandai-je. J'aurais eu plaisir à rencontrer un visage amical
et peut-être aurais-je pu échanger quelques produits de
l'île contre un bidon de pétrole, ce qui m'eût
à nouveau permis de lire au lit. C'était là un
plaisir qui me manquait beaucoup.
Je ne me rappelle
pas comment mes idées restèrent fixées sur la
lecture au lit à la vue de cette noix de coco, de même que
je ne puis dire pourquoi, quelques semaines plus tard, je fus
frappé par l'idée qu'il ne serait peut-être pas
impossible de faire des bougies à partir des morceaux de
paraffine trouvés sur la plage. Cela, après tout, n'avait
sans doute aucun rapport avec la noix de coco mais quand, un jour,
ayant brisé quelques morceaux de paraffine, je découvris
qu'ils fondaient sous une faible chaleur, il m'apparut tout à
fait simple d'en faire des bougies.
☐ pp. 145-146 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « An island to oneself :
the story of six years on a desert island », Londres :
William Collins, 1966
- « An island to myself », New York : Holt, Rinehart and Winston, 1966
| - « Robinson
des mers du Sud : six ans sur une île
déserte » trad. de René Corpel, postface de
Bernard Moitessier, Paris : Arthaud, 1983, 1999
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mise-à-jour : 20 avril 2018 |

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