Daniel Raphalen

L'odyssée de Port-Breton, ou le rêve océanien du marquis de Rays

Les Portes du large - Bretons à travers le monde

Rennes, 2006
bibliothèque insulaire
   
utopies insulaires

parutions 2006

L'odyssée de Port-Breton, ou le rêve océanien du marquis de Rays / Daniel Raphalen. - Rennes : Les Portes du Large, 2006. - 288 p. : ill., cartes ; 24 cm. - (Bretons à travers le monde).
ISBN 2-914612-02-8
En 1877, le marquis Charles de Rays lance un ambitieux programme de colonisation privée ; contre toute attente son appel est entendu : en France, en Espagne, en Italie, en Belgique, en Allemagne des souscripteurs et des candidats à l'émigration s'enrôlent. Quatre navires sont armés et, de septembre 1879 à mars 1881, plus de six cents colons s'embarquent à destination de Port-Praslin — rebaptisé Port-Breton — en Nouvelle-Irlande où, très vite, ils déchantent face à la rudesse des conditions naturelles et à l'impéritie des promoteurs.

Rêverie utopisante, chimère, gigantesque escroquerie ? Comment qualifier le projet du marquis ? Comment évaluer l'accueil que lui firent les institutions civiles et religieuses d'une part, des particuliers séduits par la perspective d'une vie meilleure d'autre part ? Pour la justice, le doute est levé : en 1884, le marquis est condamné pour escroquerie, décision confirmée en appel et en cassation.

L'enquête menée par Daniel Raphalen éclaire la personnalité complexe du marquis ; lecteur assidu des récits de navigateurs, il rêve d'entreprises aventureuses sous des cieux éloignés : l'Amérique du nord où il se rend à peine sorti du collège, La Réunion et Madagascar, le Sénégal, l'Extrême-Orient, l'Amérique centrale … À chaque étape de son parcours, le marquis multiplie les projets 1, participe aux débats d'idées 2, brigue titres et honneurs 3.

Cette énergie brouillonne trouve une ambition à sa mesure en échafaudant un programme de colonisation libre en Mélanésie. L'idée séduit au sein de deux groupes sociaux ; dans les milieux aisés, certains y voient une occasion de profit : ce seront les premiers souscripteurs ; les futurs colons, au contraire, se recrutent dans les classes précarisées — agriculture et prolétariat urbain.

L'essor d'une initiative aussi insensée peut s'expliquer par cette rencontre exclusivement circonstancielle entre la pensée chimérique du marquis, l'appétit mercantile d'épargnants en quête de placements fructueux et l'utopie populaire de défavorisés fuyant les rigueurs d'un continent en proie à de brutales mutations. L'implacable dureté de la nature mélanésienne est très vite venue à bout de cette coalition hétéroclite 4.
       
1.Au Sénégal il tente de créer, contre l'avis du lobby colonial, une filière intégrée d'exploitation de l'arachide : « en réunissant ici la culture à l'industrie, nous arriverions à baser, sur la principale production du pays, un moyen puissant de colonisation » (lettre au Ministre de la marine et des colonies, février 1862, citée p. 29).
2.En septembre 1870, il interpelle Gambetta dans les colonnes d'un journal monarchiste finistérien : « soutenez-nous, Monsieur le Ministre, la décentralisation est une œuvre libérale et républicaine (…) soutenez les provinces qui constituent la France en sa grande unité, et la France sera sauvée (…) » (cité p. 45).
3.En avril 1874 il est nommé consul de Bolivie à Brest.
4.Charles de Rays ne connaissait la Nouvelle-Irlande que par les relations de navigateurs, Duperrey en particulier qui, à bord de la Coquille, fit en août 1823 une escale de neuf jours sur le site de la future colonie : « La première chose qui me frappa, dès mon arrivée à Port-Praslin, fut l'abondance de la végétation ».
EXTRAIT

Charles de Rays : « (…) Nous relierons (…) dans un faisceau commun d'intérêts sérieusement étudiés, sous la sauvegarde et la sanction de leurs chefs naturels, toutes ces petites peuplades dont nous serons la tête, pour en former une sorte de confédération franco-océanienne, en soutenant partout et dans toutes les tribus l'action du missionnaire, comme base principale de notre système spécial de colonisation ; appelant à notre aide tous les ordres religieux : chartreux, frères trappistes, pour fonder et diriger nos premiers établissements industriels et agricoles et constituer, par leur moyen, avec les éléments indigènes des îles déjà évangélisées, le premier noyau de notre marine océanienne qui les reliera toutes en un lien national, sous notre direction française et catholique. — Ah ! Messieurs, les moines ont fondé la vieille France, ils créeront la nouvelle ! (…) »

Discours-programme prononcé à Marseille le 4 avril 1879 — cité p. 79

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « L'odyssée de Port-Breton, ou le rêve océanien du marquis de Rays 1877-1882 », Bannalec : Imprimerie régionale, 1986 [E.O. épuisée]
  • P. De Groote, « Nouvelle-France, colonie libre de Port-Breton, Océanie : œuvre de colonisation agricole, chrétienne et libre de Monsieur Charles Du Breuil, marquis de Ray », Paris, Bruxelles : Sté générale de Librairie catholique, 1880
  • Dr A. Baudouin, « L'aventure de Port-Breton et la colonie libre dite Nouvelle-France, souvenirs personnels et documents », Paris : Maurice Dreyfous, 1883
  • Jean Poulain, « Le rocher de Port-Breton, journal d'un voyage en Océanie », Nantes : Paul Plédran, 1883
  • P. de Valamont, « La vérité sur la colonie de Port-Breton et sur le Mis de Rays », Nîmes : Imprimerie de Lafare frères, 1889
  • Alphonse Daudet, « Port-Tarascon, dernières aventures de l'illustre Tartarin », Paris : E. Dentu, 1890
  • Jean Lucas-Dubreton, « L'Eden du Pacifique », Paris : Gallimard, 1929
  • Joséphine Hyacinthe Niau, « The phantom paradise : the story of the expedition of the Marquis de Rays », Sydney : Angus & Robertson, 1936
  • Peter Biskup (ed.), « The New Guinea memoirs of Jean-Baptiste Octave Mouton », Canberra : ANU press, 1974
  • Anne-Gabrielle Thompson, « Une escroquerie à la colonisation : l'entreprise du marquis de Rays à “ Port-Breton ” », Revue française d'histoire d'Outre-Mer, 238, 1978, pp. 21-39 [en ligne]
  • Daniel Floch, « Port-Breton, la colonie tragique », Rennes : Ed. Ouest-France, 1987
  • Stanislao Nievo, « Le isole del paradiso », Milan : Mondadori, 1987 ; Venise : Tascabili Marsilio, 1997
  • Andreas J. Obrecht, « Der König von Ozeanien », Frankfurt am Main : Brandes und Apsel, 2006
  • Jean-Michel Barrault, « Port-Eden », Paris : Arthaud, 2013

mise-à-jour : 24 septembre 2019

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