Francis Arzalier

« Les déportés guadeloupéens et haïtiens en Corse (1802-1814) », in : Révolutions aux colonies

Annales historiques de la Révolution française | 293-294 | pp. 469-490

Paris, 1993
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Révolutions aux colonies / [Groupe de recherche sur l'histoire de la colonisation européenne, 1750-1850]. - Paris : Société des études robespierristes, 1993. - 238 p. ; 24 cm. - (Annales historiques de la Révolution française, 293-294).
ISBN 2-908327-40-6
Après les expéditions menées en Guadeloupe (sous les ordres du général Richepanse) et en Haïti (général Leclerc) par les armées de Napoléon, des centaines d'Antillais ont été déportés en métropole, à Brest puis, pour beaucoup, en Corse. Il s'agissait de briser les forces favorables à l'abolition de l'esclavage et de consolider le pouvoir de l'Empire mais, dans la mise en œuvre de ce programme, une motivation seconde s'est rapidement manifestée : cet apport de main d'œuvre corvéable à merci allait être mis au service d'un projet d'envergure visant à parachever l'inclusion de la Corse dans l'ensemble français en y mettant en œuvre une politique explicitement coloniale.

Le sujet est longtemps resté méconnu en raison du laconisme des sources et, s'interroge Francis Arzalier, des « réticences de l'historiographie française à mettre en lumière ce qui contredit trop la légende napoléonienne » (p. 470).

Une exploitation méthodique de plusieurs fonds d'Archives permet d'éclairer l'épisode — de mesurer son ampleur, de révéler les objectifs et d'évaluer leur efficacité, d'apprécier le régime appliqué aux déportés, leurs conditions de vie et de travail et, parfois, de connaître le terme de leur parcours. Les bribes de quelques destins individuels surnagent : celui, par exemple, du capitaine Bernard Chancy, neveu et aide de camp de Toussaint Louverture, transféré en résidence surveillée à Ajaccio en janvier 1803 ; celui de Cairon, métis, habitant du Cap et partisan de Toussaint Louverture ; celui de Dupuch, homme de couleur et grand ami de Pethion, …

Enfin, l'étude évoque la réaction des Corses aux objectifs et à la mise en œuvre de ce programme où l'on devine aisément le rejet durable de toute forme d'interventionnisme de type colonial : « les multiples projets de mise en valeur de type colonial ont tous échoué, pour des raisons de relief, de climat, de résistance des populations : la colonisation de la Corse n'aura pas lieu » (p. 488).
EXTRAIT Les premiers déportés arrivés à Ajaccio fin octobre 1802 sont tous Haïtiens. Dès le 9 février 1803 part de Brest un convoi de 90 « hommes de couleur à l'hôpital de Pont[a]nezen et destinés pour les travaux en Corse ». La reconquête de la Guadeloupe est en cours : 40 d'entre eux en viennent. Il est ensuite très difficile de tenir un compte exact des arrivées successives, que signalent des correspondances de Brest ou de Toulon : chaque navire amène en général quelques dizaines de prisonniers noirs : ainsi le 8 juin 1803, 34 Haïtiens « que le général en chef de l'armée de Saint-Domingue a condamnés à la déportation » ; 174 « déportés nègres » annoncés le 17 novembre 1803 semblent clore la liste. Aucun indice ne permet de supposer d'autres arrivées en 1804 : l'ordre colonial est alors rétabli aux petites Antilles, et Rochambeau a capitulé à Saint-Domingue.

Le relevé systématique de tous les déportés inventoriés aux Archives Départementales d'Ajaccio, dans les listes successives et les actes de décès de 1802 à 1814 nous ont permis de parvenir à un total de 422 Antillais différents, dont 183 Guadeloupéens et 239 Haïtiens. […] [C]es 239 déportés haïtiens, [c]es 183 Guadeloupéens sont […] très assurément, sous-estimés largement. On est loin de l'objectif initial de milliers de déportés, mais on peut penser que la Corse a accueilli au moins un demi-millier d'Antillais en un an.


pp. 477-478
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Jean-Yves Coppolani, « Des Antillais déportés en Corse à l'époque napoléonienne », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 656 | 1989 | pp. 245-254

mise-à-jour : 24 janvier 2018
Francis Arzalier : Les déportés guadeloupéens et haïtiens en Corse
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