Catherine Bardon

La fille de l'ogre

Les Escales

Paris, 2022
bibliothèque insulaire
   
des femmes et des îles

parutions 2022

La fille de l'ogre / Catherine Bardon. - Paris : Les Escales, 2022. - 402 p. : ill. ; 23 cm.
ISBN 978-2-36569-694-4
Comme avant elle Mario Vargas Llosa racontant Trujillo — le dictateur de Saint Domingue (entre 1930-1961) —, Catherine Bardon choisit la forme romanesque, avec les libertés qu'elle autorise, pour raconter la fille de l'ogre. Le récit y gagne peut-être en fluidité, et la lecture en facilité, mais on peine à distinguer entre ce qui relève de l'imagination de la romancière et ce qui est fondé sur la rigueur d'une investigation méthodique ; cette réserve peut être nuancée tant les turpitudes, bassesses, forfaits et horreurs qui ont accompagné l'ascension, le règne et la chute du dictateur sont connus et, par ailleurs, précisément documentés.

Quand bien même elle tente de détourner le regard ou de suspendre son jugement, la fille de l'ogre ne semble pas avoir ignoré l'effroyable et massif massacre des Haïtiens (plus de 20 000 morts) sur la rivière Dabajon (1937), ni la longue litanie des assassinats ciblés commandités par son père — parmi lesquels ceux des trois sœurs Mirabal. Mais il semble que le ressentiment envers un père trop froid, distant et autoritaire l'ait emporté sur le jugement qu'aurait mérité le voyou devenu dictateur.

En s'attachant à une figure passive, Catherine Pardon permet un regard décalé qui met cruellement en évidence les innombrables complaisances qui ont permis à la dictature de s'épanouir — complaisances ou, plus précisément, complicité. C'est le cas de la bourgeoisie possédante dominicaine ou, toujours dans le pays, de la haute hiérarchie de l'église catholique ; c'est le cas trop longtemps du pouvoir aux Etats-Unis ; c'est encore le cas des opinions publiques occidentales qui, comme en France, se sont laissées éblouir par l'argent prodigué ou par le charme équivoque d'un Porfirio Rubirosa, gigolo, exécuteur sans scrupule des basses œuvres du régime … et premier des neuf maris de Flor de Oro.
NOTE DE L'ÉDITEUR : 1915. Flor de Oro naît à San Cristóbal, en République dominicaine. Son père, petit truand devenu militaire, ne vise rien de moins que la tête de l'État. Il est déterminé à faire de sa fille une femme cultivée et sophistiquée, à la hauteur de sa propre ambition. Elle quitte alors sa famille pour devenir pensionnaire en France, dans le très chic collège pour jeunes filles de Bouffémont.

Quand son père prend le pouvoir, Flor de Oro rentre dans son île et rencontre celui qui deviendra le premier de ses neuf maris, Porfirio Rubirosa, un play-boy au profil trouble, mi gigolo, mi diplomate-espion, qu'elle épouse à dix-sept ans. Mais Trujillo, seul maître après Dieu, entend contrôler la vie de sa fille. Elle doit lui obéir, comme tous les Dominicains entièrement soumis au Bienfaiteur de la Patrie, ce dictateur sanguinaire.

Marquée par l'emprise de ces deux hommes à l'amour nocif, de mariages en exils, de l'Allemagne nazie aux États-Unis, de grâce en disgrâce, Flor de Oro luttera toute sa vie pour se libérer de leur joug.
EXTRAIT Dans l'enfance de Flor, il y a cette tache originelle. Dont elle ne pourra jamais se laver. Celle qui explique peut-être tout.

C'est une goutte.

Une goutte de sang noir. Haïtien. Celle dont on ne parle pas. Celle qui fait honte à son père. Celle qui amènera plus tard le Jefe, qui prétend à un lignage aristocratique, à se poudrer de blanc, à se tartiner le visage du fond de teint des pierrots *. Celle que trahissent les cheveux si indisciplinés de Flor et son teint qui n'est pas d'albâtre. Elle lui vient de loin cette goutte. D'un arrière-arrière-grand-père, son aïeul maternel à lui, un officier haïtien, Joseph Chevallier, arrivé dans le pays quand il s'appelait Dominicana. Une ascendance inavouable, qu'il faut taire à tout prix.

p. 14

* Plus loin le texte revient plus rudement sur cette marque : “ Flor comprend qu'elle était pour le Jefe un rappel permanent de ses origines plébéiennes et surtout de sa goutte de sang noir. De cette goutte de sang qui courait dans ses veines, … le dénonçant, l'obligeant à se poudrer les joues comme une femme. ” — p. 317
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE

mise-à-jour : 12 octobre 2022
Catherine Bardon : La fille de l'ogre
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