Le roman de Louise / Henri Gougaud. - Paris : Albin Michel, 2014. - 248 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-226-25803-8
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NOTE DE L'ÉDITEUR
: Qui mieux que Gougaud l'anarchiste pourrait évoquer
l'extraordinaire parcours de l'indomptable Louise Michel, figure
emblématique de la Commune ? Dans ce portrait flamboyant de
la « Vierge rouge », le romancier se glisse dans
la peau de Louise pour faire revivre tour à tour la petite
bâtarde sans le sou passionnée de littérature, la
jeune institutrice, l'insurgée bravant la mitraille des
Versaillais, la bannie de Nouvelle-Calédonie éblouie par
les splendeurs de l'île, enseignant le français aux
Canaques … Mais toujours attachée au drapeau rouge,
jamais lassée d'appeler à la Révolution.
Henri
Gougaud sait faire aimer cette femme sauvage et
téméraire, éprise d'indépendance et
d'absolu, dont l'extraordinaire personnalité dépasse tous
les clivages. Ne cachant rien de son personnage — son esprit
intransigeant, son courage presque fou, sa curiosité d'esprit,
sa bonté, son dévouement à la cause des
démunis —, il trouve les mots justes et le souffle
qui donnent à son récit une force incomparable.
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EXTRAITS |
Les premiers temps de son séjour elle explore, observe,
herborise avec l'attention passionnée d'une intrépide
journaliste en reportage au paradis des découveurs de terres
vierges. À écouter, dans ses Mémoires, sa
voix précise s'aviver, de surprises en enchantements, dans ce
fin fond du monde maussade où le malheur l'a envoyée,
c'est Louise au pays des merveilles. Lianes à fleurs
dorées ou blanches, haricots bleus arborescents, lits violets de
pensées sauvages, bouquets de fruits couleur cassis, algues aux
raisins mauves, bois rouges, lauriers-roses, oliviers
tourmentés, géants (des oliviers ? Elle n'est pas
sûre), gros vers noirs à cornes de renne, mouches-fleurs
dans les niaoulis aux branches tremblantes, éplorées
à la lueur des pleines lunes, chenilles d'herbes à bandes
vertes, punaises semblables aux rubis, à l'émeraude,
à l'opaline, elle décrit tout, éberluée, en
amoureuse de la vie, de ses inventions infinies et de son prodigieux
génie des couleurs, des parfums, des formes.
☐ p. 180 |
Le dimanche, messe sauvage. Aux Canaques de Nouméa qu'elle
accueille dans sa maison et qui, de plus en plus nombreux, accourent
à ses journées studieuses, elle donne des leçons
d'écriture, de chant, de lecture, d'arithmétique, de
sculpture aussi, de dessin. Son ami Daoumi est mort. Son frère
s'est pris d'affection pour cette étrange femme blanche qui le
regarde dans les yeux, comme on fait entre vrais humains, quand il lui
parle de sa vie. C'est lui qui amène chez elle ces serviteurs,
ces gens de rien, ces Noirs dont nul ne se soucie. Elle se plaît
en leur compagnie. Elle les trouve joyeux, désireux de savoir,
habiles à écrire et compter. Et puis elle apprend
beaucoup d'eux. Ils l'abreuvent de mots nouveaux, ils lui racontent
leurs histoires, ils évoquent sans retenue l'antique savoir de
leurs pères. Elle note tout, hâtivement, elle questionne
beaucoup. Elle rêve. Les Canaques, vivants mystères et
pourtant amis émouvants. Elle imagine un très vieux
peuple « aux longs cheveux, aux yeux
célestes » arrivé peut-être d'Asie dans
ces îles mélanésiennes avec ses mythes, ses secrets
aujourd'hui à peu près perdus. Elle dit
« peut-être » mais on sent qu'elle navigue
au-delà du doute. Elle se voudrait anthropologue, elle est
conteuse émerveillée. Elle veut tout plus beau que le
vrai. C'est sa folie, c'est sa nature, c'est sa façon d'aimer la
vie.
☐ pp. 202-203 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- Henri Gougaud, « Contes du Pacifique », Paris : Seuil, 2000
- Louise Michel, « Aux Amis d'Europe : Légendes et chansons de gestes canaques » éd. par François Bogliolo, Nouméa : Grain de sable, 1996
- Eric
Fougère, « La sève et le sang :
trajectoire et révolutions de Louise Michel en
Nouvelle-Calédonie », in La littérature au gré du monde, espace et réalité de Cervantes à Camus, Paris : Classiques Garnier (Géographies du monde, 17), 2011
- « Nous reviendrons, foule sans nombre, Louise
Michel à Victor Hugo : lettres de prison et du bagne (1871-1879) »
choix et présentation de Virginie Berling, Paris : TriArtis (Scènes intempestives à Grignan), 2016
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mise-à-jour : 29 décembre 2016 |
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