Un hiver à
Majorque / George Sand ; éd. établie, présentée,
commentée et annotée par Béatrice Didier.
- Paris : Librairie générale française,
1984. - 284 p. ; 17 cm. - (Le Livre de poche,
5897).
ISBN 2-253-03394-4
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Il faudrait pouvoir lire le texte
de George Sand comme une création ex nihilo pour en apprécier
les seules vertus littéraires. Mais c'est un récit
de voyage, où sont en cause des êtres et des lieux.
Pour ceux-ci, George Sand sait se montrer bon public : « [on]
ne saurait faire dix pas dans cette île enchantée
sans s'arrêter à chaque angle du chemin, tantôt
devant une citerne arabe ombragée de palmiers, tantôt
devant une croix de pierre, délicat ouvrage du XVe siècle,
et tantôt à la lisière d'un bois d'olivier ».
Majorquines et Majorquins sont
traités avec moins d'indulgence : « Les
hommes ne lisent pas, les femmes ne cousent même pas. Le
seul indice d'une occupation domestique, c'est l'odeur de l'ail
qui trahit le travail culinaire ; et les seules traces d'un
amusement intime, ce sont les bouts de cigare semés sur
le pavé. Cette absence de vie intellectuelle […] donne
au Majorquin plus de ressemblance avec l'Africain qu'avec l'Européen. »
Reste l'écriture. George
Sand y donne le meilleur d'elle-même, ne dédaignant
pas le recours au fantastique pour enjoliver ses fréquentes
déconvenues, en accentuer le pittoresque.
Paris fit bon accueil aux souvenirs
de George Sand ; ce ne fut pas le cas au-delà des
Pyrénées où ils suscitèrent de violentes
polémiques.
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BÉATRICE DIDIER : […]
Un hiver à Majorque est […] le lieu d'une expérience
intérieure, d'une prise de conscience du Moi, assez nouvelle
dans la vie de G. Sand. Elle y fit l'expérience de la
solitude dans un paysage sublime. Certes, elle n'est pas seule
à strictement parler dans la Chartreuse : il y a
Chopin, les enfants. Mais elle est séparée de la
Société — à la fois de cette société
majorquine qui la rejette et de la société parisienne
qui est loin, ou même de cette société campagnarde
de Nohant. Seule dans une nature sauvage, seule dans le mystère
du cloître, où s'établit avec Chopin une
certaine stabilité sentimentale un peu conjuguale. Alors,
et malgré les tâches ménagères dont
elle se plaint, elle a le temps de prendre conscience d'elle-même.
C'est en quoi Un hiver à Majorque peut se rattacher
aux grandes œuvres autobiographiques et préfigurer l'Histoire
de ma vie. Il faut du temps et de la solitude — « beata
solitudo, sola beatitudo », pour reprendre l'adage
monastique qui convient bien à la Chartreuse — alors
on peut se poser la question qui est au centre de toute autobiographie
et que formulent les premières pages d'Henry Brulard
[…] : « Qui suis-je ? … il serait
temps de me connaître. » Mais si elle fait
cette expérience, elle n'a pas vraiment le temps de l'écrire
à Majorque même où la sollicite l'écriture
romanesque. Un hiver à Majorque reproduit donc
une expérience autobiographique à retardement en
quelque sorte, une expérience incomplète, une première
tentative, un jalon dans cette connaissance du moi inépuisable,
jamais achevée.
[…]
☐ Préface, p. 16
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Un hiver au midi
de l'Europe », Revue des deux mondes (Paris) :
15 janvier 1841, 15 février 1841 et 15 mars 1841
- « Un hiver à
Majorque », Œuvres de George Sand, tomes XXVI
et XXVII, Paris : H. Souverain, 1842
- « Un hiver à Majorque » in Œuvres autobiographiques,
tome 1, texte établi, présenté et
annoté par Georges Lubin, Paris : Gallimard (La
Pléiade, 215), 1993
- « Majorque » [extrait d'Un hiver au midi de l'Europe, 1842], Paris : Magellan (Heureux qui comme …, 44), 2006
- « Un hiver à Majorque », Clermont-Ferrand : Paleo (La Collection de sable), 2008
- « Un hiver à Majorque » édition critique par Angela Ryan, in Œuvres complètes, vol. 11, Paris : Honoré Champion, 2013
| → Antoni Ferrer, « George Sand, Un hiver à Majorque et ses deux auberges espagnoles », Cahiers d’études romanes, 17 | 2007, pp. 361-403 [en ligne] | - Adrien Le Bihan, « George Sand, Chopin et le crime
de la chartreuse », Espelette : Cherche-bruit,
2006
- Bernadette Chovelon et Christian
Abbadie, « La Chartreuse
de Valldemosa : George Sand et Chopin à Majorque »,
Paris : Payot (Voyageurs), 1999
- Llorenç Villalonga, « Un été à
Majorque », Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal (Cahiers romantiques, 15), 1989
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mise-à-jour : 18 octobre 2017 |

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