Romans et essais / Virginia
Woolf ; [textes réunis sous la dir.
éditoriale de Françoise Cibiel].
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Paris : Gallimard, 2014. - 1370 p. :
ill. ;
21 cm. - (Quarto).
ISBN
978-2-07-0014498-3
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Chaque
été Mr. et Mrs. Ramsay font retraite en compagnie
de
quelques amis dans l'archipel des Hébrides. Semblable aux
personnages de ce huis-clos, Virginia Woolf
se heurte aux pressantes questions qui surgissent du chaos, à
l'horizon de l'île 1 :
“ Que suis-je ? ” …
“ Aller
où ? ” …
Chacun tente de
répondre, ou d'esquiver. Lily Briscoe, devant son chevalet,
mesure mieux que d'autres l'enjeu : “ Où
commencer ? — voilà la
question ;
à quel endroit poser la première
touche ?
Une seule ligne sur la toile la vouait à prendre des risques
innombrables, une suite de décisions
irrévocables. Tout
ce qui en théorie semblait simple devenait
immédiatement
complexe en pratique ; tout comme les vagues
observées du
haut de la falaise se disposent symétriquement, mais
apparaissent au nageur séparées par des
abîmes
à pic et des crêtes écumantes.
Malgré tout
il fallait courir le
risque ; poser la première
touche ”
(p. 348).
Ailleurs : “ Elle
était bien
singulière, cette voie de la
peinture. On allait de l'avant, encore et encore, toujours plus loin
jusqu'à avoir l'impression enfin de cheminer sur une planche
étroite, parfaitement seul, au-dessus de la
mer ” (p. 359).
Quand enfin les uns
accostent au pied du Phare, Lily Briscoe trace une dernière
ligne sur sa toile : “ Oui, se dit-elle,
reposant son
pinceau avec une lassitude extrême, j'ai eu ma
vision ” (p. 386).
1. |
Si
le roman se déroule sur l'île de Skye, la plus
grande des
Hébrides intérieures, il doit beaucoup aux
souvenirs de
vacances passées par Virginia Woolf, durant son enfance en
vue
de
Godrevy island et de son phare, près de St. Ives sur la côte
cornouaillaise — un site aujourd'hui
menacé par les
promoteurs immobiliers (ActuaLitté,
9 novembre 2015).
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EXTRAIT |
[Lily
Briscoe] contempla l'immensité de la mer. L'île
était devenue si petite qu'elle ne ressemblait plus
guère
à une feuille. Elle ressemblait à la pointe d'un
rocher
qu'une
grosse vague suffirait à recouvrir. Sa
fragilité recelait pourtant tous ces sentiers, ces
terrasses,
ces
chambres — toutes ces choses innombrables. Mais de
même que, juste avant
le sommeil, les choses se simplifient au point que parmi une
infinité de détails, un seul a le pouvoir de
s'imposer, de même, regardant l'île d'un
œil
assoupi, il lui semblait que
tous ces sentiers, ces terrasses et ces chambres
s'estompaient, disparaissaient, et qu'il ne restait
plus qu'un encensoir bleu pâle se balançant en
cadence
d'un bord à l'autre de son
esprit. C'était un jardin suspendu ;
c'était une
vallée, pleine d'oiseaux, de fleurs et
d'antilopes …
Elle s'endormait.
☐ pp.
382-383
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She
gazed at the immense expanse of the sea. The island had grown so small
that it scarcely looked like a leaf any longer. It looked like the top
of a rock which some wave bigger than the rest would cover. Yet in its
frailty were all those paths, those terraces, those bedrooms
— all those innumberable things. But as, just before
sleep,
things simplify themselves so that only one of all the myriad details
has power to assert itself, so, she felt, looking drowsily at the
island, all those paths and terraces and bedrooms were fading and
disappearing, and nothing was left but a pale blue censer swinging
rhythmically this way and that across her mind. It was a hanging
garden ; it was a valley, full of birds, and flowers, and
antelopes … She was falling asleep. |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « To
the Lighthouse », Londres : Leonard and
Virginia Woolf, 1927
- « Vers
le phare » éd. et traduit par
Françoise Pellan,
Paris : Gallimard (Folio classique, 2816), 1996
|
- « La
promenade au phare » trad. par Maurice Lanoire,
Paris :
Stock, 1929
- «
Voyage au phare » trad. par Magali Merle in Romans et nouvelles 1917-1941, Paris
: Librairie générale française (La
Pochotèque), 1993
- «
Au phare » traduit de l'anglais par Anne Wicke,
Paris : Stock (La
Cosmopolite), 2009
|
- « Le
temps passe » (version intermédiaire de
la section médiane de To
the Lighthouse, éd. bilingue, trad.
française de Charles Mauron), Paris : Le Bruit du
temps, 2010
|
- Chantal
Delourme, « Virginia Woolf, To the Lighthouse :
les arabesques du sens », Paris : Ellipses
(Marque-page), 2001
|
→ Marie-Christine Veldeman,
« Approche comparative de traductions à
travers un extrait de To
The Lighthouse par Virginia Woolf », Equivalences, 2010
| 37-1-2 | pp. 107-120 [en
ligne]
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mise-à-jour : 16
mars 2020 |
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