Liam O'Flaherty

Insurrection

Le Livre de poche

Paris, 1966

bibliothèque insulaire
   
Irlande
Insurrection / Liam O'Flaherty ; trad. de l'anglais (Irlande) par Jacques Papy ; préface de Gilbert Sigaux. - Paris : Le Livre de poche, 1966. - 382 p. ; 17 cm. - (Le Livre de poche, 2012).
NOTE DE L'ÉDITEUR : Les vaincus n'ont pas de tendresse pour les vainqueurs, mais le temps aurait peut-être apaisé la rancœur de l'Irlande définitivement conquise par l'Angleterre au XIVe siècle si, deux cents ans plus tard, le roi Henry VIII n'avait rompu avec la Papauté et instauré l'anglicanisme. Demeurée catholique, l'île rebelle prend parti pour les souverains catholiques Stuart et paie cher sa fidélité.
L'excès de misère et de servitude où les Irlandais sont réduits fait éclore des mouvements nationalistes. De siècle en siècle, la lutte s'intensifie. Appuyant l'action des Fenians, l'organisation terroriste du Sinn-fein multiplie les attentats et les tentatives de soulèvement.
Insurrection est le récit du coup de main déclenché à Dublin le lundi de Pâques 1916, tel que l'a vécu jusqu'à son échec le jeune Bartly Madden, entraîné malgré lui dans les rangs des patriotes. Autour d'eux s'agite une foule typiquement irlandaise — émotive, bavarde, versatile et rusée — qui donne sa dimensiona tragique à cet épisode de la longue bataille de l'Irlande pour sa libération.

GILBERT SIGAUX : […]

Liam O'Flaherty ignore Baudelaire (je veux dire que son art ignore Baudelaire). Il était fait, cet art, pour tenter un John Ford, un Carné. Il devrait tenter d'autres metteurs en scène, d'autres illustrateurs. C'est un art qui n'a pas d'âge ; il est celui d'un écrivain qui ignore les recherches techniques, les variations du temps intérieur et leur transmission artistique, qui ne s'applique qu'à peindre, le mieux qu'il peut, d'admirables sujets. Le choix du sujet, son éclairage, le poids de fatalité qu'il peut porter, voilà les problèmes de Liam O'Flaherty. Il nous convainc de la vigueur d'un art pur — c'est-à-dire où les questions, les inquiétudes sont chez les personnages, dans le tableau, et non pas chez le créateur, dans la main qui peint ou qui écrit.

Dans Insurrection, tout tient en quelques pensées brèves, en quelques mots qui révèlent la profondeur d'un sentiment, en quelques images fulgurantes arrachées à la nuit d'incendie de Pâques 1916, à Dublin. Rarement Liam O'Flaherty a été si économe de ses moyens : il s'est donné peu de couleurs, peu d'êtres. Mais il a conquis et dominé l'invisible espace qui est celui de la tragédie, et son eau-forte, avec ses traits sanglants, rayonne d'une inoubliable présence.

Préface, pp. 10-11

JORGE LUIS BORGES : Liam O'Flaherty est un « homme d'Aran ». Il naquit en 1896, de parents pauvres et désespérément catholiques. Il fut élevé dans un collège de jésuites. Dès son enfance il professa deux passions : la haine de l'Angleterre et le respect de l'église Catholique. (L'amour de la littérature anglaise tempéra la première de ces passions ; le socialisme, la seconde). En 1914, ces deux loyautés s'affrontèrent. Liam O'Flaherty souhaitait une défaite anglaise ; mais il était révolté par le spectacle d'un petit pays catholique, la Belgique — tellement comparable alors à l'Irlande ! —, piétiné par une forte nation hérétique, l'Allemagne — tellement comparable à l'Angleterre ! En 1915, il trouva la solution du problème : il s'enrôla sous un nom d'emprunt pour que l'honneur de sa famille restât intact. Il se battit pendant deux ans contre les Allemands. De retour dans son pays, il profita de la révolution irlandaise pour se battre contre les Anglais. Il se distingua si bien comme chef révolutionnaire qu'il dut pendant un temps se passer de l'Empire britannique. Nous savons qu'il fut bûcheron au Canada, arrimeur dans un port du Venezuela, agent des Turcs en Asie Mineure, garçon de café, linotypiste et orateur « subversif » dans le Minnesota et dans le Wisconsin. À Saint-Paul, dans une fabrique de pneumatiques, il griffonna ses premières nouvelles. Chaque soir il en écrivait une : chaque matin il la relisait avec indignation et la jetait au panier.

Thy Neighbour's Wife, son premier roman, parut à Londres en 1924. En 1925, il publia Le Mouchard ; en 1927, The Life of Tim Healey ; en 1928, L'Assassin ; en 1929, A Tourist's Guide to Ireland (qui indique minutieusement les logements à bon marché, les terres incultes, les terrains vagues et les marécages) ; en 1930, un livre autobiographique, Two Years ; en 1931, I went to Russia. O'Flaherty est un homme généreux et disert. Il a l'air, dit-on, d'un gangster raffiné. Il aime les villes qu'il ne connaît pas, l'alcool, les jeux de hasard, les aubes, les nuits, les discussions.

Chronique publiée dans la revue « El Hogar », 9 juillet 1937, in : Œuvres complètes (tome 1, p. 1084), Paris : Gallimard (La Pléiade), 1993

EXTRAIT

À peu de distance vers l'est, des obus éclataient continuellement dans les parages de O'Connell Street, où se déchaînaient également de violents tirs de mitrailleuse et de fusil, tandis que s'élevaient dans les airs de grands nuages de fumée émanant des incendies dont la rumeur résonnait comme le bruissement d'une vague brisée qui déferle sur une plage solitaire. Ce farouche tumulte à l'arrière-plan ressemblait à une musique macabre qui donnait tout son sens à la scène en train de se jouer sur la petite place silencieuse où des gens maigres et déguenillés contemplaient de leurs maisons croulantes leurs jeunes hommes fouillés par des soldats étrangers en uniforme jaune, armés de fusils baïonnette au canon : symbole d'une interminable et cruelle histoire d'invasion et de conquête.

pp. 277-278

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Insurrection », Londres : Victor Gollancz, 1950
  • « Insurrection » trad. de l'anglais (Irlande) par Jacques Papy avec une préface de Gilbert Sigaux, Paris : Calmann-Lévy, 1953
  • « Insurrection » trad. de l'anglais (Irlande) par Isabelle Chapman, Paris : Joëlle Losfeld, 1996 ; Paris : Payot et Rivages (Bibliothèque étrangère, 454), 2004
→ H. Gustav Klaus, « Carry the Wild Rose of Insurrection : Liam O'Flaherty's Novel on the Easter Rising », Etudes irlandaises, 1989, Vol. 14, 1, pp. 117-126 [en ligne]
  • « À mes ennemis, ce poignard », Monaco : Éd. du Rocher (Anatolia), 1998
  • « Barbara la rousse, et autres contes vert sombre », Rouen : Librairie Elisabeth Brunet, 2007
  • « Famine », Paris : Le Livre de poche (Biblio, 3026) , 1983
  • « L'âme noire », Monaco : Éd. du Rocher (Anatolia), 1999 ; Monaco : Le Serpent à plumes (Motifs, 215), 2004
  • « L'assassin », Paris : Payot et Rivages (Rivages noir, 247), 1996
  • « L'aviron », Combs-la-Ville : M. Imbert, 2001
  • « L'extase d'Angus », Arles : Actes sud, 1985
  • « L'île de colère », Paris : Atlas, 1947
  • « La maison de l'or », Paris : Grasset, 1932
  • « La femme fardée » in Trois morts salées éd. par Patrick Reumaux, Rouen : Librairie Elisabeth Brunet, 2007
  • « Le dénonciateur », Paris : Stock, Delamain et Boutelleau, 1928 ; « Le mouchard », Rennes : Terre de brume (Bibliothèque irlandaise), 2003 ; Paris : Belfond (Vintage), 2019
  • « Le guide du touriste en Irlande », Paris : Anatolia, 1993
  • « Le martyr », Paris : Éd. de la Nouvelle revue critique, 1948
  • « Le puritain », Paris : Gallimard, 1937
  • « Le réveil de la brute », Paris : Stock, Delamain et Boutelleau, 1930
  • « Les amants », Monaco : Éd. du Rocher (Anatolia), 2000
  • « Mr. Gilhooley », Paris : S.E.P.E., 1948
  • « Poils et plumes », Paris : Klincksieck (De Natura rerum), 2019
  • « Skerrett », Paris : Jean Picollec, 1981
  • Peter Costello, « Liam O'Flaherty's Ireland », Dublin : Wolfhound press, 1996
  • Paul A. Doyle, « Liam O'Flaherty », New York : Twayne, 1971
  • Hedda Friberg, « An old order and a new : the split world of Liam O'Flaherty's novels », Stockholm : Almqvist & Wiksell (Acta Universitatis Upsaliensis - Studia anglistica Upsaliensa, 95), 1996
  • Angeline A. Kelly, « Liam O'Flatherty the storyteller », London : Macmillan, 1976
  • James Howard O'Brien, « Liam O'Flaherty », Lewisburg (Pa.) : Bucknell university press, 1973
  • Patrick F. Sheeran, « The novels of Liam O'Flaherty : a study in romantic realism », Dublin : Wolfhound press, 1976
  • John N. Zneimer, « The literary vision of Liam O'Flaherty », Syracuse (N.Y.) : Syracuse university press, 1970

mise-à-jour : 26 avril 2019

   ACCUEIL
   BIBLIOTHÈQUE INSULAIRE
   LETTRES DES ÎLES
   ALBUM : IMAGES DES ÎLES
   ÉVÉNEMENTS

   OPINIONS

   CONTACT


ÉDITEURS
PRESSE
BLOGS
SALONS ET PRIX