JACQUES BUREL ET OUESSANT
PORTRAIT D'UNE ÎLE ÉTERNELLE
Juillet 1945. Un jeune homme
de 23 ans arrive à Ouessant pour la première fois.
De son enfance passée dans les bois de Coat Meur, à
Landivisiau, Jacques Burel a gardé le goût des natures
intactes. Ouessant va le combler. En quatre semaines il y accumule
croquis, dessins et peintures. Il reviendra souvent.
L'île, alors, semble hors
du temps. A 11 milles du continent, loin des innovations, on
y a préservé des pratiques agricoles, techniques
et sociales basées sur la solidarité : culture
de la terre à la bêche, moissons à la faucille,
battages au fléau ...
Toute une série de dessins
vont surgir de ces amitiés qui se nouent entre le jeune
artiste et la population de l'île : portraits de femmes,
intérieurs de maisons, travaux des champs, scène
de cimetière ... Tout cela est possible parce que
le peintre est totalement accepté.
L'année suivante, Jacques
Burel reviendra compléter son étude.
Rassemblés, ses dessins
composent le portrait riche et nuancé d'une île
éternelle : vastes espaces de champs ouverts, jardins
bordés de murs de pierres sèches où poussent
timidement quelques arbres, scènes de pêche à
bord du Vive-Jaurès, atmosphère admirablement
restituée du passage à bord du courrier où
se côtoient les hommes et les bêtes ...
Passionné très
tôt par la Bretagne et les objets d'art populaire, Jacques
Burel avait saisi toute l'importance documentaire de son travail.
En mer, avec Henri Chalm, il n'oublie pas de relever le mécanisme
du gui à rouleau, la forme exacte des casiers. A terre,
il note soigneusement les gestes des champs, les détails
d'un moulin, d'une façade, d'une hutte ...
« Tout donc me
paraissait beau, à la fois nouveau et antique, en tout
cas précieux et à noter de toute urgence comme
tout ce qui est menacé » ...
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