Du
côté de chez Malaparte / Raymond Guérin ;
photographies de l'auteur ; postface de l'éditeur. -
Bordeaux : Finitude, 2009. - 123 p. : ill. ;
17 cm. ISBN 978-2-912667-65-6
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La
publication, en 1931 chez Grasset, de « Technique du coup
d'état » vaut à Curzio Malaparte une
condamnation à cinq ans de réclusion sur l'île de
Lipari ; il n'y passera que quelque mois, mais restera durablement
marqué par l'aventure. Ce n'est sans doute pas par hasard
que plus tard il choisira une autre île, Capri, pour y faire
édifier une maison à son image.
En
mars 1950, Malaparte invite Raymond Guérin et sa femme à
Capri : “ Venez, m'avait écrit Malaparte. C'est
l'hiver qu'il faut voir Capri. (…) Venez donc, vous passerez
chez moi des jours formidables ”. Le récit de ce
séjour accorde peu d'attention à
l'île, à peine plus à la délirante casa, “ solide comme une casemate, insolite comme une architecture
de Chirico, avec son escalier-terrasse de trente-deux marches en forme
de trapèze, montant vers le ciel, impressionnant comme un temple
aztèque ”. C'est que Raymond Guérin est
totalement subjugué par la personnalité de son hôte
— Curzio le Magnifique — qui, de son côté, supporte mal de n'être pas en permanence au centre de toutes les attentions.
En toute simplicité, Malaparte avait baptisé sa villa “ Come me ”, comme moi … suggérant un équivoque jeu de miroir. Raymond Guérin semble avoir pris l'injonction à la lettre,
au risque de l'aveuglement. Aveu du peintre Raffaelle Castello,
familier des lieux : “ avez-vous remarqué qu'il
n'y a pas de couleur à Capri ? Que toute la couleur est
donnée par la lumière ? Mon œil est
imprégné depuis des années par cette
lumière et je ne puis m'en détacher ”.
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EXTRAIT |
Capri (…) fut toujours l'île des connaisseurs. Dans
l'Antiquité, elle eut Tibère. Au Moyen Âge,
Barberousse. Aux Temps modernes, Malaparte. Tibère a
laissé ses villas. Barberousse, son château de
Castiglione. Malaparte laissera la Casa « Come
Me ». On n'épuiserait pas facilement la liste de ceux
qui vécurent à Capri. On ne peut que citer au
hasard : Lady Hamilton et Nelson, Nietzsche et Rilke, Andreieff et
Bounine, Lawrence et Miller, Lénine et Gorki (qui logea pendant
des années à l'hôtel Ercolano, chez notre ami
Sacco) … Et n'omettons pas quelques-uns des hôtes de
Malaparte : Rommel, Le Corbusier, Togliatti, Moravia, Churchill,
Clarke, Juin, Alexander, Axel Munthe, Rossellini, la Magnani,
pêle-mêle parmi tant de princesses et de
marquis …
Mais, à l'instant
où l'Abruzzia nous emporte vers Naples, ce qui se grave dans
notre regard, ce n'est pas la pointe de Massullo, entre Pizzolungo et
Matromania, ce n'est pas la belle Piccola Marina ni la Villa Jovis sur
le Tiberio, ni les jardins d'Auguste, ni même, à mesure
que nous nous éloignons, la silhouette pachydermique de
l'île, mais l'ombre vert foncé que laisse au flanc de la
montagne du Solaro le petit cimetière marin de Capri, le seul
endroit au monde où l'on pourrait accepter de dormir
éternellement sans désespoir, petit cimetière
où dorment déjà tant et tant
d'étrangères romantiques ; tombes moussues,
vétustes et discrètes au milieu des cyprès et des
lauriers-roses (…).
☐ pp. 72-73 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Du côté de chez Malaparte », Bordeaux : La Boîte à clous, 1950
- « Du côté de chez Malaparte », Bordeaux : Finitude, 2003
| - Michael McDonough, « La maison Malaparte : une maison qui me ressemble », Paris : Ed. Plume, 2000
- Marida Talamona, « La maison de Malaparte », Paris : Ed. Carré, 1995
| - Antonella Boralevi, « Capri : histoire d'un mythe », Paris : Arléa, 2008
- Shirley Hazzard, « Greene on Capri, a memoir », New York : Farrar, Straus, Giroux, 2000
- Henry James, « Heures italiennes », Paris :
La Différence, 1985, 2006
- Compton Mackenzie, « Le feu des vestales », Paris : Payot, 1998
- Félicien Marceau, « Capri petite île », Paris : Gallimard (Folio, 3736), 2002
- Alberto Moravia, « Le mépris », Paris : Librio, 1995
- Mario Soldati, « Les lettres de Capri », Paris : Librairie générale française (Le Livre de poche, 15433), 2003
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mise-à-jour : 14 avril 2019 |

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