8ème
édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2006)
ouvrage
sélectionné |
Le bambou noir /
Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun ; ill. de l'auteur ;
préface de Stéphanie Ariirau-Richard. - Papeete :
Le Motu, 2005. - 211 p. : ill. ; 24 cm.
ISBN 2-915105-18-9
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De Paris en 1975 à Pa'ea
vingt ans plus tard, Jean-Marc Pambrun retrace en neuf chapitres
un itinéraire marqué par la désillusion
— celle d'un Tahitien qui, au sortir de la jeunesse, embrasse
d'un même regard le dessaisissement de sa propre vie et
celui de son peuple livré à l'avidité d'un
néo-colonialisme effréné.
La voix du Tahitien qui
mène le récit est celle d'un témoin engagé
dont les aspirations s'inscrivent dans une mouvance qu'éclairent
de brèves rencontres, avec Henri Hiro ou Bobby Holcomb
par exemple … Mais l'espoir qu'ont accompagné ou
soutenu ces voix d'hier ne s'est pas éteint en dépit
des péripéties, personnelles ou sociales, les plus
blessantes.
En effet, si le récit
se développe dans une tonalité assombrie, le Tahitien
s'éprouvant au terme du parcours comme un exilé
dans son propre pays, un motif de vie reste à l'œuvre,
symbolisé par un dessin dont les premiers traits sont
esquissés à Paris puis qui, au fil des ans, s'enrichit
de chaque épreuve, de chaque accomplissement. Le livre
se referme, sinon sur un apaisement, sur une note dénuée
d'amertume : « Il n'y avait rien ou plutôt,
en y regardant à deux fois, il y avait bien quelque chose :
le ciel recouvrait la surface lisse et opaque d'un bambou noir … »
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STÉPHANIE ARIIRAU-RICHARD : […]
Ce n'est pas exagéré
que de considérer Le bambou noir comme une véritable
révélation de la littérature polynésienne
contemporaine : il s'impose narrativement, idéologiquement,
symboliquement. Il présente le traitement d'une culture,
d'un peuple sondé de l'intérieur, il dénonce.
L'auteur décompose l'exotisme collant, collé, réductionniste
et affligeant imposé à toute une génération
d'écrivains polynésiens contemporains.
Le Tahitien, c'est l'étranger,
c'est nous.
☐ 4ème de couverture.
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Le froissement de
la guirlande de 'auti sur l'oreiller l'a tiré de
ses réflexions. Il s'est levé, l'a ôtée
de son cou et a cherché un endroit pour la suspendre.
Il a avisé sa lampe de bureau qui était restée
allumée. Il y a accroché le cordon de feuilles
et s'apprêtait à éteindre la lumière
et à s'en aller, mais, attiré par le dessin sous
verre qui décorait toujours la surface de son bureau,
il s'est ravisé et s'est assis, habité soudain
d'une grande tendresse pour son œuvre inachevée. Il a
ouvert les doigts de sa main gauche et les a passés sur
toute la surface du verre, en le caressant à peine, juste
pour en ressentir les moindres vibrations. Et puis, il s'est
mis à parler à son dessin pour lui faire partager
une évidence toute simple : il était bien
le seul à l'avoir accompagné durant ces dix dernières
années et à avoir progressé. Il a retiré
le verre et a porté l'esquisse à ses narines. Elle
avait l'odeur un peu piquante du bois humide. Il a pris un crayon
et en a posé la pointe à la base du menton du tiki,
ou plutôt de l'idole censée représenter Alexandre. |
Il a tracé deux lignes
tremblotantes, verticales, parallèles et espacées
de quelques millimètres pour figurer l'écorce d'une
tige de 'auti. Il les a reliées l'une à
l'autre par une série de caractères hélicoïdaux
destinés à donner l'illusion d'une torsade. Enfin,
il a esquissé au sommet de la tige un bouquet de plusieurs
feuilles alternes. L'ouvrage terminé donnait l'impression
que le tiki, incrusté dans le feuillage, était
devenu l'esprit de la plante. Le Tahitien a éteint la
lumière, s'est accoudé pour prendre son front entre
ses mains et a fermé les yeux. Il n'avait plus envie de
penser.
☐ pp. 160-161
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « L'Allégorie
de la natte, ou Le Tahu'a-parau-tumu-fenua dans son temps » bilingue : Tahitien et Français, Papeete :
éd. par l'auteur, 1993
- « Le Sale Petit Prince :
Pamphlets blancs », Papeete : éd. par
l'auteur, 1995
- « La fondation du marae : La légende du scolopendre de la mer sacrée », Papeete : éd. par l'auteur, 1998
- « La
nuit des bouches bleues », Moorea : Éd.
de Tahiti, 2002
- « Triste sauvage »,
in Riccardo Pineri (dir.), Paul
Gauguin, héritage et confrontations, Actes du
colloque international organisé les 6, 7 et 8 mars 2003
par l'Université de la Polynésie française,
Papeete : Éd. Le Motu, 2003
- « Les
Parfums du silence » sous le pseudonyme d'Etienne
Ahuroa, Papeete : Éd. Le Motu, 2003
- « Huna,
secrets de famille », Matoury (Guyane) :
Ibis rouge, 2004
- « La
naissance de Havai'i / Te ti-pu-ra'a 'o Havai'i »,
Papeete : Éd. Le Motu, 2006
- « Francis Puara Cowan, le maître de la pirogue polynésienne — Tahua va'a », Papeete : Éd. Le Motu, 2007
- « Les voies de la tradition », Paris : Le Manuscrit, 2008
- « La lecture », Papeete : Le Motu, 2009
| Sur le site « île en île » :
dossier
Jean-Marc Pambrun |
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mise-à-jour : 20 novembre 2015 |
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