La lecture / Etienne Ahuroa. - Papeete : Le Motu, 2009. - 96 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-915105-58-2
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| Quand est-ce que l'on va enfin se rencontrer ?
Acte II, Scène VI, p. 61 |
Sur la scène d'un théâtre une
comédienne commence la lecture du fragment d'un livre qui expose
la rencontre entre une jeune insulaire d'Océanie et un visiteur
occidental — trame ressassée du roman exotisant.
Le décor est réduit à l'extrême : au
centre une chaise et une table pour la lectrice, au fond à
gauche un grand tableau représente une jeune femme assise,
vêtue d'un pagne blanc et bleu, le visage partiellement
dissimulé derrière un éventail.
Très vite, alors que s'ébauchent les circonstances
de la rencontre, la lectrice est interrompue par une voix masculine ;
le héros du roman tente de se faire entendre pour mettre en
doute le fondement du récit où l'auteur a tenté de
l'enfermer : « c'est, dit l'Évadé, mon
unique chance de donner à ma vie toute sa
vraisemblance ». La lecture se poursuit, ponctuée
d'interventions de l'Évadé, jusqu'à
l'irruption d'une seconde voix ; c'est, cette fois
Maïté, la jeune insulaire qui à son tour veut se
faire entendre en quittant le double carcan du roman et du tableau
— l'auteur présumé était aussi peintre.
Au fil des trois actes qui rythment cette mise en abyme, la
lectrice dont la voix a réveillé les attentes
insatisfaites de l'Évadé
et de Maïté se voit contrainte d'arbitrer un débat
sur les implications de la création littéraire ou
artistique. Ombres et références hantent l'échange
jusqu'à l'ultime rebondissement où il apparaît non
sans ironie que l'auteur, le responsable, n'est pas celui qu'on pense.
Quant à la morale de la fable, elle est également conçue pour surprendre.
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NOTE DE L'AUTEUR :
Les dialogues en alexandrin prêtés aux personnages
(…) sont là pour renforcer l'idée d'enfermement
des comédiens qui acceptent d'incarner les personnages d'une
pièce de théâtre.
☐ p. 3
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EXTRAIT |
MARYON
« La femme à l'éventail » n'a jamais existé ! Ma lecture n'était qu'un prétexte scénique Pour tous nous entraîner dans un jeu dramatique.
MAÏTÉ
Alors cette nouvelle a été inventée ?
MARYON
Il a dû en prendre une et il l'a pastichée. La littérature océanienne est pleine De ces romans de plage où la belle indigène Est prétexte à user des plus mauvais clichés.
L'ÉVADÉ
La femme-enfant aussi belle qu'insupportable, L'occidental cruel, dénué de scrupules … Le monde n'est pas fait que de grosses crapules Et d'enfants aux mœurs inexplicables ?
Et quel rôle avons-nous dans toute cette histoire ?
MARYON
Je ne te comprends pas, qu'est-ce que tu veux dire ?
L'ÉVADÉ
Je me sens à l'étroit … et j'ai peine à finir … Mes mots, ils sont rangés comme dans un tiroir.
MAÏTÉ
Moi aussi, j'ai du mal à libérer mes phrases. On dirait que quelqu'un les a cadenassées.
☐ pp. 91-92 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « L'Allégorie
de la natte, ou Le Tahu'a-parau-tumu-fenua dans son temps » bilingue : Tahitien et Français, Papeete :
éd. par l'auteur, 1993
- « Le Sale Petit Prince :
Pamphlets blancs », Papeete : éd. par
l'auteur, 1995
- « La fondation du marae : La légende du scolopendre de la mer sacrée », Papeete : éd. par l'auteur, 1998
- « La
nuit des bouches bleues », Moorea : Éd.
de Tahiti, 2002
- « Triste sauvage »,
in Riccardo Pineri (dir.), Paul
Gauguin, héritage et confrontations, Actes du
colloque international organisé les 6, 7 et 8 mars 2003
par l'Université de la Polynésie française,
Papeete : Éd. Le Motu, 2003
- « Les
Parfums du silence » sous le pseudonyme d'Etienne
Ahuroa, Papeete : Éd. Le Motu, 2003
- « Huna,
secrets de famille », Matoury (Guyane) :
Ibis rouge, 2004
- « Le
bambou noir », Papeete : Éd. Le Motu,
2005
- « La
naissance de Havai'i / Te ti-pu-ra'a 'o Havai'i »,
Papeete : Éd. Le Motu, 2006
- « Francis Puara Cowan, le maître de la pirogue polynésienne — Tahua va'a », Papeete : Éd. Le Motu, 2007
- « Les voies de la tradition », Paris : Le Manuscrit, 2008
| Sur le site « île en île » :
dossier
Jean-Marc Pambrun |
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mise-à-jour : 27 février 2011 |
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