Herman Melville

Taïpi, illustrations de Jacques Boullaire, traduction d'Anne Belley-Rocca

Le Motu

Papeete, 2009

bibliothèque insulaire

   
édité à Tahiti
livres sur les Marquises
parutions 2009
Taïpi / Herman Melville ; trad. de l'anglais et annoté  par Anne Belley-Rocca ; ill. de Jacques Boullaire ; avant-propos par Emmanuel Deschamps. - Papeete : Le Motu, 2009. - 248 p. : ill. ; 21 cm.
ISBN 978-2-915105-61-2
Je n'oublierai jamais ma première impression de cette vallée merveilleuse.

Ch. IV, p. 33

L'édition originale de Typee est parue à Londres et à New York en 1846 ; elle est signalée la même année à Paris par Philarète Charles qui y reviendra peu après dans une étude consacrée aux trois premiers romans de Melville : « la fraîcheur et la profondeur des impressions reproduites dans ces livres m'étonnaient ; j'y voyais un écrivain moins habile à s'amuser d'un rêve et à jouer avec un nuage que gêné d'un souvenir puissant qui l'obsède » 1. La première traduction française ne paraît pourtant qu'en 1926. On la doit à Théo Varlet :
« Un Eden cannibale : Typee, récit des îles Marquises » ; d'autres suivront, à l'initiative de Miriam Dou-Desportes (1929), Pierre Verdier (1945) et Gilles Dupreux (1996). En 1997, Philippe Jaworski reprendra en l'amendant le travail de Théo Varlet pour l'édition des Œuvres de Melville dans la Pléiade.
À la suite des trente-quatre chapitre du roman proprement dit, le texte de Melville comporte deux compléments : un appendice 2, « Notices of the French occupation of Tahiti and the provisional cession of the Sandwich islands to lord Paulet » présent dès la première édition américaine, et « L'histoire de Toby » introduite postérieurement par Melville. L'appendice critique « les desseins iniques » qui présidèrent à l'annexion de Tahiti et des Marquises par la France. On doit regretter l'absence de ce commentaire dans la traduction d'Anne Belley-Rocca — la politique de colonisation française dans le Pacifique y est vertement dénoncée, comme celle des Etats-Unis à l'égard des îles Hawaii.

Une autre question soulevée par la traduction de Typee est celle de la transcription de l'idiome polynésien de Melville. Dans sa révision de la traduction de Théo Varlet, Philippe Jaworski avait pris la mesure du problème qui porte principalement sur les noms de personnes, de groupes sociaux (tribus) et de lieux. Familière des îles Marquises, Anne Beley-Rocca a entrepris de systématiser 3 une démarche qui avait conduit ses prédécesseurs à abandonner Typee au profit de Taïpi. Fayaway, la belle héroïne, devient ainsi Feiaue ; ailleurs le souci d'authenticité conduit la traductrice à corriger l'auteur : quand au chapitre XV Melville parle à tort d'un dauphin (dolphin), Anne Belley-Rocca impose le plus vraisemblable mahi-mahi (nom vernaculaire de la daurade coriphène). De quoi relancer le débat sur les prérogatives du traducteur, et leurs limites …

Cette traduction qui ouvre un nouvel accès à l'œuvre de Melville s'accompagne d'un ensemble d'illustrations réalisées par Jacques Boullaire pour une édition publiée à Londres en 1950 et 1974, peu connue des lecteurs francophones.
       
1.Philarète Charles, “ Voyages réels et fantastiques d'Herman Melville : Typee, Omoo, Mardi ”, La Revue des deux mondes, 15 mai 1849.
2.Cet appendice est intégralement traduit, avant L'Histoire de Toby, dans le premier volume des Œuvres édité sous la direction de Philippe Jaworsky — Paris : Gallimard (La Pléiade), 1997.
3.Avec le concours de Georges Teikiehuupoko, président de l'Académie Marquisienne.
EXTRAIT    Quant à moi, je dois avouer que je suis totalement incapable de satisfaire la curiosité du lecteur à l'égard de la théologie de la vallée. Je pense que les habitants eux-mêmes en sont incapables, ayant trop de bon sens ou trop d'indolence pour se soucier des arcanes de la religion. Durant tout mon séjour chez eux, ils ne tinrent ni concile ni synode en vue d'harmoniser le dogme. Une liberté de conscience sans bornes semblait régner. S'il le voulait, un sauvage pouvait idolâtrer un dieu disgracié avec un grand nez et de gros bras croisés sur sa poitrine ; tandis que d'autres se vouaient à une statue qui avait si peu de ressemblance avec quelque chose de terrestre ou de céleste, que l'on hésiterait à la qualifier d'idole. Les insulaires ont toujours gardé une réserve discrète quant à ma propre foi religieuse, alors il aurait été mal venu de ma part de me mêler de la leur.

p. 164
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Typee : a peep at polynesian life during a four months' residence in a valley of the Marquesas with notices of the french occupation of Tahiti and the provisional cession of the Sandwich islands to lord Paulet », New York : Wiley & Putnam, 1846 ; Londres : John Murray, 1846
  • « Typee » with pencil drawings by Jacques Boullaire, London : The Folio society, 1950, 1974
  • « Un Eden cannibale : Typee, récit des îles Marquises » trad. Théo Varlet, Paris : Gallimard, 1926
  • « Typee » trad. Miriam Dou-Desportes, Paris : Librairie des Champs-Elysées, 1929
  • « Typee » trad. Pierre Verdier, Paris : La Centaine, 1945
  • « Taïpi » trad. Théo Varlet et Francis Ledoux, Paris : Gallimard, 1952
  • « Taïpi » trad. Gilles Dupreux, in Alain Quella-Villéger (éd.), Polynésie : Les archipels du rêve, Paris : Omnibus, 1996, 2003
  • « Taïpi » trad. Théo Varlet et Francis Ledoux, révisée par Philippe Jaworski, in Œuvres, vol. I, Paris : Gallimard (La Pléiade), 1997
  • « À bord », Bordeaux : Finitude, 2004
  • « Carnets de voyage (1856-1857) », Paris : Mercure de France, 1993
  • « Les îles enchantées », Paris : Éd. Mille et une nuits, 1997
  • « Les îles enchantées » suivies de L'archipel des Galápagos de Charles Darwin, Marseille : Le Mot et le reste, 2015
  • « Mardi, et le voyage qui y mena », Paris : Gallimard (Folio classique, 5278), 2011
  • « Moby Dick » éd. illustrée par Rockwell Kent, New York : The Modern library, 2000
  • « Moby Dick » trad. et préfacé par Armel Guerne, Paris : Phébus, 2005
  • « Moby Dick [suivi de] Pierre ou les ambiguïtés » éd. publiée sous la direction de Philippe Jaworski, Paris : Gallimard (La Pléiade), 2006
  • « Moi et ma cheminée », Paris : Allia, 2008
  • « Omou », Paris : Gallimard (L'Imaginaire, 629), 2012

mise-à-jour : 10 mai 2012

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