La
véritable histoire de Moby Dick : le naufrage de l'Essex
qui a inspiré Herman Melville / Nathaniel Philbrick ; trad.
de l'américain par Gerald Messadié. - Paris :
Librairie générale française, 2003. -
350 p.-[16] p. de pl. : ill., cartes ; 18 cm.
- (Le Livre de poche, 15583).
ISBN2-253-15583-7
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Le 20 novembre 1820, l'Essex,
baleinier de Nantucket en pêche à près de
3 000 kilomètres dans l'ouest des Galapagos, est
attaqué par un cachalot — les matelots présents
estiment qu'il devait mesurer plus de vingt-cinq mètres pour un
poids approximatif de quatre-vingts tonnes. Sous la violence de deux
chocs successifs, l'Essex prend aussitôt de la gîte et
sombre quelques heures plus tard.
Réfugié sur trois baleinières, l'équipage
entreprend alors une longue fuite à travers l'océan Pacifique dans une
tentative désespérée pour atteindre les
côtes d'Amérique du Sud en naviguant au sud jusqu'à
la hauteur approximative de l'île de Pâques, puis vers
l'est — cap sur Valparaiso.
Au vu du bilan humain extrêmement lourd de cette aventure, on
s'étonne aujourd'hui du choix de la destination et de la route
suivie par d'excellents marins. En effet, les îles Marquises
étaient à portée de leurs embarcations, et
à défaut les îles de la Société
(Tuamotu, Tahiti). Mais les officiers de l'Essex,
natifs de Nantucket, croyaient ces îles peuplées de
cannibales ! Cruel paradoxe de cette dramatique fortune de mer, c'est
en pratiquant eux-mêmes le cannibalisme que les rares survivants
purent trouver le salut.
Melville eut en main le récit (publié à New York en 1821)
d'un des rescapés, Owen Chase second officier de l'Essex ; ce
témoignage a exercé une influence déterminante sur
la genèse de Moby-Dick.
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EXTRAIT |
Les hommes de l'Essex furent victimes d'un moment particulier dans l'histoire de la chasse aux baleines. L'Offshore Ground 1
n'avait été découvert que l'année
précédente. Quelques années plus tard, les
baleiniers s'éloigneraient tellement de l'Amérique du Sud
qu'ils seraient contraints de s'approvisionner dans les îles du
Pacifique central, consacrant ainsi l'ouverture des Marquises et des
îles de la Société à l'Occident. Mais en
novembre 1820, ces îles se situaient au-delà de ce que les
gens de l'Essex considéraient comme un monde fiable.
Les gens de Nantucket se méfiaient de tout ce qu'ils ne
connaissaient pas par expérience directe. Leurs lointains
succès dans la chasse à la baleine ne se fondaient pas
sur des progrès technologiques ou sur des paris audacieux, mais
sur un profond conservatisme. Bâtissant lentement sur les
réussites des générations antérieures, ils
avaient étendu leur empire baleinier d'une façon
délibérément pénible, et toute information
qui ne leur était pas fournie par les lèvres d'un autre
natif de Nantucket leur était suspecte.
En se détounant des îles de la Société et en
faisant voile vers l'Amérique du Sud, les officiers de l'Essex
parièrent sur un élément qu'ils connaissaient bien
: la mer. « La chasse au cachalot est avant tout une
façon de vivre sur l'océan, écrit Obed Macy 2.
Pour les marins en général, la mer n'est qu'une grande
route sur laquelle ils voguent vers des marchés
étrangers ; mais pour le baleinier, c'est son tuf, son
atelier ». Melville le redirait dans le chapitre de Moby Dick
intitulé « Nantucket » : « Le
natif de Nantucket, et lui seul, habite la mer et c'est là qu'il
se repose ; lui seul, en langage de la Bible, va à sa
rencontre sur des bateaux ; il la laboure comme son champ à
lui. C'est là qu'est son foyer, là qu'est son travail, et
même un Déluge ne l'interromprait pas
[…] ».
☐
pp. 134-135
1. | Immense zone de pêche au sud-est des Galapagos, l'Offshore Ground fit, aux yeux des baleiniers américains du XIXe siècle, figure d'eldorado. | 2. | Obed Macy (1762-1844), « The history of Nantucket […] », Boston : Hilliard, Gray and Co., 1835 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « In the heart of the sea : the tragedy of the whaleship Essex », New York : Viking, 2000
- « La véritable histoire de Moby Dick : le naufrage de l'Essex qui a inspiré Herman Melville », Paris : J.-C. Lattès, 2000
| | - Herman Melville, « Moby-Dick or, The whale » ill. by Rockwell Kent, New York : The Modern library, 2000
- Herman Melville, « Moby Dick » trad. et préfacé par Armel Guerne, Paris : Phébus, 2005
- Herman Melville, « Moby-Dick
[suivi de] Pierre ou les ambiguïtés » éd.
publiée sous la direction de Philippe Jaworski, Paris :
Gallimard (La Pléiade), 2006
| - Henry F. Pommer, « Herman Melville and the wake of the Essex », American literature, vol. 20, n° 3, november 1948
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mise-à-jour : 7 juillet 2017 |

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