Sartorius, le roman
des Batoutos / Edouard Glissant. - Paris : Gallimard, 1999.
- 352 p. ; 21 cm.
ISBN 2-07-075652-1
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| … dans
l'assomption des nouvelles du monde, les deux paysages, le nilotique et
l'insulaire au loin, se touchent et se comprennnent. Ichneumon et Laoka
s'accordent à nouveau, pour célébrer le regard
recomposé du dieu.
Edouard Glissant, Les Grands Chaos L'œil dérobé, Présentation
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RENÉ DE CECCATTY : En suivant à travers les siècles
le destin du peuple imaginaire des Batoutos, Edouard Glissant
s'aventure sur le terrain de l'ethnologie politique et fantastique.
Comme il l'a fait le plus souvent dans ses romans, l'écrivain
antillais mène de front une réflexion théorique
sur le statut de la fiction, un projet romanesque cohérent
mais très proche de l'autobiographie intellectuelle et
une esquisse poétique qui nous vaut ici des pages d'une
très grande liberté lyrique.
[…]
Sartorius met donc en scène un peuple symbolique,
synthétique de tous les peuples d'Afrique qui ont été
démantelés, massacrés par la traite des
négriers. Les Batoutos sont, à eux seuls, chargés
de représenter tous ceux qui ont perdu non seulement leur
histoire, mais leur mémoire et leur visibilité
même. A quel prix, se demande Glissant, tout au long de
ce roman-essai-poème, les Blancs se sont-ils dédouanés
de cette culpabilité de l'esclavage ? Comment, dans
la littérature, les Noirs apparaissent-ils ? Comment
fabrique-t-on une minorité ? Comment s'en accomode-t-on ?
[…]
Donc, les Batoutos. Ce mot inventé
rencontre tant de proches sonorités, qu'on finit, comme
l'auteur l'admet vers le milieu de son livre, par penser qu'il
désigne une population réelle. Un ami malien de
Glissant lui garantit que ce peuple existe. Mais les dictionnaires
n'en portent aucune trace. Et les Bantous ? Et les Batwas
pygmées ? Et les Batutsis, premier nom des Tutsis ?
Et le voyageur arabe Ibn Battuta ? Le propre de ce peuple
est d'être invisible, ou plutôt, comme le précise
Glissant, visible, mais « invu ».
Il parcourt l'histoire en étant nié.
[…]
On sait la générosité
très universaliste de Glissant. Sa description d'un destin
collectif imaginaire est pour lui l'occasion de répéter
sa conviction que « l'éclat d'un peuple
est d'arrimer la beauté de son lieu à la beauté
de tout l'existant ». Cette thèse va de
pair avec une autre qui concerne non plus la collectivité
mais les individualités dans cette collectivité :
« Les existences accumulées, dans leur quotidienne
et fugace et ordinaire course, produisent plus que ne font tant
d'œuvres d'exception, effigies de dieux ou masques des ancêtres
ou contes débordant de héros ou de malins génies,
qui prétendent porter à bien ou à mal ».
La littérature antillaise, plus que la littérature
africaine, s'est attachée à comprendre ce phénomène
qui concerne l'histoire des cultures, mais aussi la fonction
de l'oralité.
☐ Le Monde des livres, 19 novembre 1999
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… dans
l'assomption des nouvelles du monde, les deux paysages, le nilotique et
l'insulaire au loin, se touchent et se comprennnent. Ichneumon et Laoka
s'accordent à nouveau, pour célébrer le regard
recomposé du dieu.
Edouard Glissant, Les Grands Chaos L'œil dérobé, Présentation
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LE MONDE DES LIVRES, 19 novembre 1999 : En suivant à travers les siècles
le destin du peuple imaginaire des Batoutos, Edouard Glissant
s'aventure sur le terrain de l'ethnologie politique et fantastique.
Comme il l'a fait le plus souvent dans ses romans, l'écrivain
antillais mène de front une réflexion théorique
sur le statut de la fiction, un projet romanesque cohérent
mais très proche de l'autobiographie intellectuelle et
une esquisse poétique qui nous vaut ici des pages d'une
très grande liberté lyrique.
[…]
Sartorius met donc en scène un peuple symbolique,
synthétique de tous les peuples d'Afrique qui ont été
démantelés, massacrés par la traite des
négriers. Les Batoutos sont, à eux seuls, chargés
de représenter tous ceux qui ont perdu non seulement leur
histoire, mais leur mémoire et leur visibilité
même. A quel prix, se demande Glissant, tout au long de
ce roman-essai-poème, les Blancs se sont-ils dédouanés
de cette culpabilité de l'esclavage ? Comment, dans
la littérature, les Noirs apparaissent-ils ? Comment
fabrique-t-on une minorité ? Comment s'en accomode-t-on ?
[…]
Donc, les Batoutos. Ce mot inventé
rencontre tant de proches sonorités, qu'on finit, comme
l'auteur l'admet vers le milieu de son livre, par penser qu'il
désigne une population réelle. Un ami malien de
Glissant lui garantit que ce peuple existe. Mais les dictionnaires
n'en portent aucune trace. Et les Bantous ? Et les Batwas
pygmées ? Et les Batutsis, premier nom des Tutsis ?
Et le voyageur arabe Ibn Battuta ? Le propre de ce peuple
est d'être invisible, ou plutôt, comme le précise
Glissant, visible, mais « invu ».
Il parcourt l'histoire en étant nié.
[…]
On sait la générosité
très universaliste de Glissant. Sa description d'un destin
collectif imaginaire est pour lui l'occasion de répéter
sa conviction que « l'éclat d'un peuple
est d'arrimer la beauté de son lieu à la beauté
de tout l'existant ». Cette thèse va de
pair avec une autre qui concerne non plus la collectivité
mais les individualités dans cette collectivité :
« Les existences accumulées, dans leur quotidienne
et fugace et ordinaire course, produisent plus que ne font tant
d'œuvres d'exception, effigies de dieux ou masques des ancêtres
ou contes débordant de héros ou de malins génies,
qui prétendent porter à bien ou à mal ».
La littérature antillaise, plus que la littérature
africaine, s'est attachée à comprendre ce phénomène
qui concerne l'histoire des cultures, mais aussi la fonction
de l'oralité.
René de Ceccatty
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PATRICK CHAMOISEAU :
Les hommes de poésie pure demeurèrent hors des
projections fulgurantes de Sapiens, peu visibles, peu
déterminants, sans souci de conquête ou de domination,
comme un peuple qui ne serait d'aucun peuple, d'aucun territoire, mais
qui les féconderait tous d'un quelque chose qui nous habite
encore. Glissant, qui devina leur existence, qui sut peut-être en
surprendre quelques-uns, les appela : Batoutos.
Tu imagines cette manière participante d'être au monde,
d'en être mais de ne pas y être, d'y être et de ne
pas en être ?☐ « La matière de l'absence », p. 266
| COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Tout-monde »,
Paris : Gallimard, 1993
| - « Un champ d'îles »,
Paris : Instance, 1953
- « La terre inquiète »
avec un frontispice de Wifredo Lam, Paris : Éd. du
Dragon, 1955
- « Les Indes »,
Paris : Falaize, 1956 ; Paris : Seuil, 1965, 1985
- « Soleil de la conscience »,
Paris : Seuil, 1956
- « La Lézarde »,
Paris : Seuil, 1958, 1984, 1995 ; Gallimard, 1997
- « Le sel noir »,
Paris : Seuil, 1960
- « Monsieur Toussaint »,
Paris : Seuil, 1961, 1986
- « Le sang rivé »,
Paris : Présence africaine, 1961
- « Le quatrième
siècle », Paris : Seuil, 1964 ; Gallimard
(L'Imaginaire, 233), 1990
- « Un champ d'îles
(suivi de) La terre inquiète (et de) Les Indes »,
Paris : Seuil, 1965
- « L'intention poétique »,
Paris : Seuil, 1969
- « Malemort »,
Paris : Seuil, 1975 ; Gallimard, 1997
- « Boises : histoire
naturelle d'une aridité », [Fort-de-France] :
Acoma, 1979
- « Le discours antillais »,
Paris : Seuil, 1981 ; Gallimard (Folio essais, 313),
1997
- « La case du commandeur »,
Paris : Seuil, 1981 ; Gallimard, 1997
- « Le sel noir (suivi de)
Le sang rivé (et de) Boises », Paris :
Gallimard (Poésie, 175), 1983
- « Pays rêvé,
pays réel », Paris : Seuil, 1985
- « Mahagony »,
Paris : Seuil, 1987 ; Gallimard, 1997
- « Poétique
de la relation (Poétique, III), Paris : Gallimard,
1990
- « Fastes »,
Toronto : Ed. du GREF, 1991
- « Tout-monde »,
Paris : Gallimard, 1993 ; Gallimard (Folio, 2744),
1995
- « Poèmes complets
(Le sang rivé ; Un champ d'îles ; La terre inquiète
; Les Indes ; Le sel noir ; Boises ; Pays rêvé,
pays réel ; Fastes ; Les grands chaos) », Paris :
Gallimard, 1994
- « Faulkner, Mississipi »,
Paris : Stock, 1996 ; Gallimard (Folio essais, 326),
1998
- « Introduction à
une poétique du divers », Paris : Gallimard,
1996
- « Soleil de la conscience
(Poétique, I), Paris : Gallimard, 1997
- « L'intention poétique
(Poétique, II) », Paris : Gallimard, 1997
- « Traité du
tout-monde (Poétique, IV), Paris : Gallimard, 1997
- « Monsieur Toussaint
(version scénique), Paris : Gallimard, 1998
- « Le monde incréé :
poétrie », Paris : Gallimard, 2000
- « Pays rêvé,
pays réel (suivi de) Fastes (et de) Les Grands chaos »,
Paris : Gallimard (Poésie, 347), 2000
- « Iguanes, busards,
totems fous : l'art primordial de Wifredo Lam »
in Christiane Falgayrettes-Leveau (et al.) Lam
métis, Paris : Dapper, 2001
- « Ormerod »,
Paris : Gallimard, 2003
- « La cohée
du lamentin (Poétique, V), Paris : Gallimard, 2005
- « Les Indes, Lézenn »
éd. bilingue, texte créole de Rodolf Etienne, Paris :
Le Serpent à plumes, 2005
- « Une nouvelle région
du monde (Esthétique, I) », Paris : Gallimard,
2006
- « Mémoires des esclavages », Paris : Gallimard, 2007
- « Quand
les murs tombent : l'identité nationale
hors-la-loi ? » avec Patrick Chamoiseau, Paris :
Galaade, Institut du Tout-Monde, 2007
- « La
terre magnétique : les errances de Rapa Nui, l'île de
Pâques » en collaboration avec Sylvie Séma,
Paris : Seuil (Peuples de l'eau), 2007
- « L'intraitable
beauté du monde : adresse à Barack
Obama » avec Patrick Chamoiseau, Paris : Galaade,
Institut du Tout-Monde, 2009
- « Philosophie de la relation : poésie en étendue », Paris : Gallimard, 2009
- « 10
mai : mémoires de la traite négrière, de
l'esclavage et de leurs abolitions », Paris : Galaade,
Institut du Tout-Monde, 2010
- « La
terre, le feu, l'eau et les vents : une anthologie de la
poésie du tout-monde », Paris : Galaade,
Institut du Tout-Monde, 2010
- « L'entretien du monde » entretiens avec François Noudelmann, Saint-Denis : Presses universitaires de Vincennes, 2018
| | - Romuald Fonkoua, « Essai sur une mesure du monde
au XXe siècle : Édouard Glissant »,
Paris : Honoré Champion, 2002
- François
Noudelmann, Françoise Simasotchi-Bronès (et al.), « Édouard Glissant, la pensée du détour », Paris : Larousse, Armand Colin (Littérature, 174), 2014
- François
Noudelmann, « Edouard Glissant, l'identité
généreuse », Paris : Flammarion (Grandes
biographies), 2018
| Sur le site « île en île » : dossier Edouard Glissant Centre international d'études Edouard Glissant |
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mise-à-jour : 10 octobre 2018 |
Né à Sainte-Marie (Martinique) en 1928, Edouard Glissant est décédé à Paris le 3 février 2011. |
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