Leonardo Padura

Le palmier et l'étoile, traduit de l'espagnol par Elena Zayas

Éd. Métailié

Paris, 2003

bibliothèque insulaire

   
Cuba
îles noires
parutions 2003
Le palmier et l'étoile / Leonardo Padura ; trad. de l'espagnol (Cuba) par Elena Zayas. - Paris : Métailié, 2003. - 387 p. ; 22 cm. - (Bibliothèque hispano-américaine).
ISBN 2-86424-453-5

NOTE DE L'ÉDITEUR : Après 18 ans d'exil, Fernando Terry revient passer un mois à La Havane, pour trouver enfin le manuscrit autobiographique du grand poète José Maria Heredia (un cousin de celui que nous connaissons), auquel il a conscré sa thèse. Il en profite pour tirer au clair les circonstances qui ont entouré son expulsion de l'université, et lui font soupçonner une trahison et une dénonciation.

Au récit de ce retour et de la recherche du manuscrit s'ajoutent deux autres plans temporels : la vie de Heredia au début du XIXe siècle (le manuscrit) pendant les premières tentatives d'émancipation de la colonie espagnole et les derniers jours du fils du poète, José de Jesus, franc-maçon, au début du XXe siècle. Peu à peu émergent des parallélismes suprenants dans la vie des personnages, comme si, à travers les siècles, l'histoire de Cuba marquait d'un sceau fatal les destins individuels. Dénonciations, exil, intrigues politiques, trahisons semblent inévitables à tout créateur talentueux, quelque soit le moment historique qu'il lui est donné de vivre.

Leonardo Padura confirme ici son statut d'écrivain. Il évoque avec talent le romantisme dans les Caraïbes coloniales, les loges maçonniques et leur survie jusqu'à aujourd'hui, et nous emmène dans un voyage aux origines de la conscience nationale cubaine à travers la vie de son premier grand poète.

PHILIPPE LANÇON : […]

Le Palmier et l'étoile est inspiré par l'histoire dramatique de José Maria Heredia, le premier grand poète cubain, et l'un des plus fameux romantiques de langue espagnole. Un universitaire, Fernando Terry, revient à Cuba en 1998, après dix-huit ans d'exil, pour rechercher un texte posthume et inconnu d'Heredia. Ce texte, ce sont ses mémoires : La novela de mi vida (« Le roman de ma vie », titre du roman de Padura, en espagnol).

Heredia est mort en exil au Mexique, en 1839, à 35 ans. Il avait lutté pour l'indépendance, la démocratie, l'affranchissement des esclaves. Depuis lors, ses mémoires ont disparu. Le fils cadet du poète les a remis soixante ans plus tard à sa loge maçonnique. Ils ont circulé, de main en main, avant de se perdre. Les retrouver serait essentiel : l'identité cubaine s'est forgée dans le destin symbolique de cet homme.

Fernando plonge alors dans le monde maçonnique cubain, à la recherche du manuscrit perdu. Padura rend ici hommage à son père, petit épicier et franc-maçon de la loge « Fils de la lumière et de la constance », « mais il n'a pas lu mon livre, il lit peu ». Surtout, Fernando veut profiter de sa recherche pour comprendre qui, en 1980, l'a trahi, cassant sa carrière. A Madrid, la vie de cet universitaire est devenue fantomatique : il se survit. Il retrouve à Cuba ses anciens amis et les évalue un par un : lequel fut le traître ? Mais y en eut-il vraiment un ? Et retrouvera-t-il le manuscrit ? Les réponses auront l'amertume d'une mangue verte et le sourire d'un fou.

Padura a écrit son livre en homme de métier. Trois récits s'enchevêtrent : celui de Fernando ; celui du manuscrit perdu d'Heredia ; et celui d'Heredia lui-même, dont Padura écrit les « mémoires » (qui n'ont en vérité jamais existé) à la première personne. Il le fait avec de longues phrases, un peu ampoulées, sans anachronisme, pour donner le parfum littéraire de l'île au début du dix-neuvième siècle. Elles collent de près aux nombreuses lettres du poète. Au début, Padura écrivait les trois histoires de front. « Mais j'ai failli devenir fou, sourit-il. Alors j'ai arrêté, pour écrire une nouvelle aventure du Conde, Adieu Hemingway. Il enquête sur un cadavre qu'on déterre dans le jardin de la propriété d'Hemingway à La Havane. Le type est mort en 1958, tué par un arbre pendant un cyclone. C'était un agent du FBI chargé de surveiller l'écrivain. Hemingway était un personnage difficile, menteur et traître, mais l'écrivain reste pour moi un maître ». Iles à la dérive, œuvre posthume, est le livre de l'Américain qu'il préfère.

Ensuite, Padura a repris le Palmier et l'étoile. Il a écrit chaque récit, puis les a mêlés. Le résultat n'est pas un roman historique, mais une méditation sur la culture et l'histoire politique cubaine : les destins d'Heredia et de Fernando se reflètent et se comparent. Padura explique : « Heredia vit à Cuba la fin d'un monde : fin de la traite des noirs, fin du rêve colonial. Bientôt, l'Espagne s'en ira et Cuba se retrouvera seule. Fernando vit lui aussi la fin d'un monde : celui du rêve communiste. L'Union soviétique s'en va et Cuba, de nouveau, se retrouve seule ». Dans cet infernal cycle historique, une double malédiction se répète : celle de la trahison et de l'exil. Avec le palmier, la lumière, la musique et la danse, elle fonde la culture cubaine.

[…]

Libération, 13 février 2003 [en ligne]

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « La novela de mi vida », Barcelona : Tusquets (Andanzas, 470), 2002
  • « Le palmier et l'étoile », Paris : Métailié (Bibliothèque hispano-américaine), 2009
  • « Retour à Ithaque » avec Laurent Cantet, Paris : Métailié (Bibliothèque hispano-américaine), 2020
  • « José María Heredia, la patria y la vida », El Vedado (La Habana) : Unión, 2003

mise-à-jour : 16 février 2022

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